Logo

Les chroniques d'Angélique

Pour une poignée de caramels

Aïe, Bientôt le 1er mai! • Cette journée fleure le muguet et permet aux enfants de massacrer avec application leurs chants. Selon une tradition rude pour les oreilles…

Les enfants qui vont chanter, le premier jour de mai, de maison en maison: notre chroniqueuse se prépare déjà à cette épreuve annuelle.Murith Vincent/La Liberté

Angélique Eggenschwiler

Angélique Eggenschwiler

18 avril 2016 à 17:48

Je n’aime pas les enfants. Je les confonds, je mélange les âges et les prénoms quand ce n’est pas les sexes devant ces Chloé sournoises qui enfilent une gigoteuse bleue pour défier ma perspicacité.

Je ne trouve rien à leur dire mais le dis quand même et tombe toujours à plat. Petite, je décapitais mes Barbies. J’ai trahi trois fois le Père Noël et n’ai toujours pas vu «Kung Fu panda».

Ils m’irritent. Leurs cris me fatiguent, leurs rires me font peur. Ils courent constamment, mettent mal à l’aise et compromettent l’ordre mondial avec leurs pourquoi.

Ils coûtent à la collectivité et précipitent le réchauffement climatique en asphyxiant la planète sous une avalanche de Pampers jetables. Ça colle des poissons dans le dos et ils vous questionnent à propos de tout pour vous rappeler que vous ne savez à peu près rien. Ils m’épuisent et achèveront de détruire ma réputation au terme de cette chronique. Bref, je déteste les mercredis et les trottinettes à klaxons.

Les enfants sont partout. Sur les stickers des voitures, les points cumulus et les panneaux de circulation. Bien plus, ils colonisent notre calendrier. Ça ne leur suffisait pas de brader la naissance du petit Jésus contre une bouteille de Coca, voilà qu’ils le renvoient sur la croix à peine ressuscité pour se gaver de chocolat à la gloire d’un rongeur aux oreilles comestibles.

La journée redoutée où…

Ils pourrissent nos lundis de jeûne de leurs vacances scolaires et collectionnent des bonbons pendant que le pauvre Moïse erre dans les dunes.

Au risque de choquer nos lecteurs, voilà plusieurs semaines que je prépare ma vengeance annuelle en attendant fébrilement le 1er Mai. C’est-à-dire ce jour redoutable et redouté où les enfants se déplacent en grappes, de maison en maison, pour annoncer l’arrivée du printemps en chansons.

Le 1er Mai est un dimanche, cette année, et peut-être échapperons-nous aux tournées des petits. Ce serait trop beau, mais ne pas se bercer d’illusions.

Déjà à l’affût de l’ennemi, voilà en tout cas plusieurs semaines que je trépigne intérieurement. Et j’en étais à hésiter entre deux promotions sur les pièges à loups et les pralines à l’arsenic quand, soudainement, j’ai été prise d’une bouffée de nostalgie.

Pauvre auditoire résigné

Oui, j’ai eu un brin de compassion tachée d’égocentrisme pour la petite fille en sandales Pokémon qui se levait aux aurores, naguère, et décorait sa tirelire en forme de boîte à raviolis.

Je me souviens alors de ces claires fontaines qu’on massacrait avec application devant un auditoire résigné, heureusement souvent sénile, pris en otage dans l’embrasure de la porte.

L’heure du retour triomphant

Six couplets et autant de refrains qu’on récitait en entier par peur d’un procès en exhaustivité. Et ce vieux chalet qui s’écroulait sur tous les paliers du village, le pauvre Jean, infatigable, qui le reconstruisait sans cesse pour une misérable poignée de caramels au goût de naphtaline. Sans oublier ces retours triomphants, pleins de fierté et de cloques aux pieds où l’on s’asseyait enfin pour trier chez soi les centimes parmi les boutons de chemise.

Des butins à faire pâlir le plus vaillant camion dentaire, qu’on partageait ensuite chrétiennement en rompant les Carambar comme une miche de pain bénit.

Porte et esprit ouverts

Envahie par un parfum de muguet, je songe alors à ces oreilles bienveillantes qui accueillaient nos balbutiements cacophoniques avec une patience proche du masochisme.

Puisque j’en ai l’occasion, je voudrais dire ma reconnaissance à tous ces voisins qui peuplent toujours nos enfances pour avoir gardé porte et esprit ouverts. Merci à eux d’avoir veillé sur nos 1er Mai pour nourrir aujourd’hui encore de nombreux dentistes.

Sur ces belles paroles, je range donc mon Taser et ajoute à ma liste de commission une boîte de Sugus.

M-buget, faut pas exagérer… I

Ce contenu provient de notre ancien site web. Il est possible que sa mise en page ne soit pas idéale. En savoir plus