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Les chroniques d'Angélique

Le cochon ne voit jamais le soleil


30 novembre 2016 à 11:48

Le mot de la fin par Angélique Eggenschwiler » L’autre jour, on m’annonce sans détour que les cochons ne voient jamais le soleil. Un problème de cervicale apparemment, impossible pour «Babe» de lever la tête. Scandalisée, je consulte Maître Google. Je tombe sur les commentaires éclairés de quelques bien-pensants qui s’empressent de récupérer le scoop: «Le cochon ne verra jamais le ciel, coïncidence?» Bon, après deux secondes de réflexion, je me dis que ça ne doit pas être évident non plus pour la taupe, le pétoncle ou le lombric.

Coïncidence ou non, je trouve ça moche. Déjà que le cochon ne partait pas gagnant, avec son air empoté et sa queue de pilier de bar, c’était pas le moment d’économiser les étoiles. Ça sent un peu la fin de stock, tout ça, comme le mulet ou l’okapi. Pas de chance pour l’okapi, on retourne les fonds de malle pour dénicher une paire de jambières et deux oreilles disproportionnées et on balance le tout au fond d’une forêt équatoriale.

Le monde animal est parfois mal pensé, bancal. Prenez la girafe, ou plutôt le girafon: vous imaginez la naissance du pauvre petit, salué par une chute de deux mètres lorsqu’il vient au monde? Avouez, il y a des accueils plus sympas. D’ailleurs, le cochon ne s’en tire pas trop mal; la preuve, il est toujours là. Il en a fait du chemin depuis Noé; entre-temps, il y a eu Darwin et Philippe Etchebest. C’est que, dans la nature, il ne faut pas lésiner sur les options, on est jamais à l’abri d’une pluie de météorites.

Prenez le T-rex, tout dans le tunning et ça néglige les plaquettes de freins, ça peut pourtant servir en période de glaciation. Ça finit sur le bascôté, le bas-côté de la sélection naturelle.

Au bout du compte, il restait une poignée de naufragés, d’inadaptés en tout genre qui sirotaient des mojitos sur les îles du Pacifique. Et puis l’homme inventa le bateau.

On signa l’arrêt de mort du dodo, du moa et de tous ces trucs qui se cuisinent au beurre mais ne volent pas. On avait de l’imagination, pour salir la Création. Vous saviez qu’il y avait des lions à Saint-Tropez? Avant les Romains, bien avant la télé. Et comme il faut bien s’occuper, on allait voir de gros chats s’entre-tuer. Les Japonais, eux, dépeçaient des otaries: il paraît que leurs moustaches faisaient de très bons cure-pipes. Quand on vous dit que le tabac tue. Depuis on a arrêté de fumer. Et de toute façon, là-bas, il n’y en a plus.

Et pendant qu’on s’émeut devant des chatons qui se prennent des gamelles, il y a autant d’habitants à Tramelan que de pandas en Asie et bientôt plus un rhinocéros en Namibie. C’est que ça prend de la place dans les océans, tous ces cargos, tous ces idiots à vapeur ou en goguette au Kenya, pour peler les derniers lions ou casser du requin blanc. On défriche l’Amazonie, on s’achète des cuillères en ivoire, des manteaux de barbarie, du thon rouge en barquettes. On étudie les étoiles, entre deux sandwiches au jambon. Mark Twain a souligné un jour que l’homme était le seul animal à rougir. Ou le seul à avoir besoin de le faire. >>

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