Syrie. Beyrouth et Damas ouvrent un nouveau chapitre dans leurs relations
Le nouveau dirigeant syrien Ahmad al-Chareh et le Premier ministre libanais Najib Mikati ont affirmé samedi à Damas l'engagement des deux pays à construire des liens stratégiques durables, après des décennies de relations ambiguës.
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ATS et AFP
Aujourd’hui à 17:12, mis à jour à 17:17
Cette première visite d'un chef de gouvernement libanais depuis le début de la guerre civile en Syrie en 2011 intervient alors que les deux pays voisins cherchent à améliorer leurs relations depuis la chute, le 8 décembre, du pouvoir de Bachar al-Assad.
"Il y aura des relations stratégiques durables, avec de grands intérêts communs", a déclaré M. Chareh lors d'une conférence de presse conjointe. Il a estimé que l'élection de Joseph Aoun à la présidence du Liban conduirait à une "situation stable" au pays du Cèdre.
L'élection jeudi de M. Aoun a mis fin à une vacance de plus de deux ans de la présidence libanaise, imputée par ses détracteurs au mouvement pro-iranien Hezbollah, qui a perdu un allié stratégique avec la chute de M. Assad.
Une "chance" à donner
M. Chareh a appelé à oublier "l'esprit des relations passées" entre les deux pays et à "donner une chance" aux deux peuples d'établir des "relations positives (...) fondées sur le respect et la souveraineté des deux Etats". "Nous essaierons de résoudre tous les problèmes par la consultation et le dialogue", a-t-il déclaré.
M. Mikati a souligné que les nouvelles relations entre les deux pays devaient être basées sur "le respect mutuel, l'égalité et la souveraineté nationale". Selon lui, "la Syrie est la porte naturelle du Liban vers le monde arabe, et tant qu'elle va bien, le Liban ira bien".
La Syrie a été pendant trois décennies une force politique et militaire dominante au Liban, où elle est intervenue pendant la guerre civile de 1975-1990 et où de nombreux assassinats de personnalités politiques lui sont imputés. Elle en a retiré ses troupes en 2005 sous la pression locale et internationale, après l'assassinat de l'ancien Premier ministre libanais Rafic Hariri.
Les tensions entre les deux pays sont nées aussi du soutien militaire apporté par le Hezbollah à Bachar al-Assad, allié de Téhéran, pendant la guerre civile en Syrie qui a fait plus de 500'000 morts.
Frontières et réfugiés
Face aux récents développements dans les deux pays, les responsables espèrent ouvrir un nouveau chapitre dans leurs relations et résoudre des dossiers en suspens. M. Mikati a souligné que le retour des réfugiés syriens était "urgent pour les deux pays", indiquant qu'il avait perçu chez M. Chareh une volonté de résoudre ce dossier.
Le Liban a été particulièrement affecté par l'afflux progressif de deux millions de réfugiés syriens fuyant les combats. L'effondrement économique du pays fin 2019 a aggravé une situation déjà fragile.
M. Mikati a déclaré que la délimitation des frontières terrestres et maritimes était une "priorité" et annoncé un projet de commission conjointe sur ce dossier, parallèlement à des efforts pour "lutter contre la contrebande" frontalière.
Il a insisté sur la nécessité de renforcer les mesures de sécurité mutuelles pour protéger les deux pays. M. Chareh a toutefois précisé que la priorité de son gouvernement était la situation intérieure et le maintien de l'ordre.
La Syrie, qui partage une frontière de 330 kilomètres avec le Liban, a refusé à plusieurs reprises de délimiter ses frontières avec son voisin durant les années Assad, faisant de celles-ci une zone facilement accessible pour les contrebandiers. Le 3 janvier, les autorités syriennes de transition avaient imposé de nouvelles restrictions d'entrée pour les Libanais.
Délégations étrangères
Depuis la chute de M. Assad, les délégations diplomatiques étrangères se sont succédé à Damas, la dernière en date étant celle de l'envoyé spécial du sultanat d'Oman, Cheikh Abdulaziz al-Hinai. Oman, où Bachar al-Assad s'est rendu en février 2023, était le seul pays du Golfe à avoir maintenu des relations diplomatiques avec la Syrie durant la guerre.