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France. Au procès Mazan, la défense veut lever le "tabou" de l'acquittement

"J'ose le mot tabou: acquittement": malgré l'émotion populaire, des vidéos a priori accablantes, les banderilles de Dominique Pelicot et un réquisitoire sévère, les avocats de 5 nouveaux accusés au procès des viols de Mazan ont plaidé l'acquittement mercredi à Avignon

Dominique Pelicot, qui plaide coupable, assure depuis son arrestation en novembre 2020 que tous les hommes venus à Mazan étaient parfaitement au courant qu'il droguait sa femme à son insu, ce que pratiquement tous contestent.KEYSTONE/AP/VALENTIN PASQUIER

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ATS et AFP

Aujourd’hui à 18:44, mis à jour à 18:48

Temps de lecture : 3 min

Arpentant la salle d'audience où siège la cour criminelle de Vaucluse (sud) depuis le 2 septembre, Me Louis-Alain Lemaire a répété qu'il aurait "vivement souhaité un procès à huis clos, pour que les débats n'aient pas été pollués par la 'vox populi'", notamment ces manifestantes qui ont "sali les murs d'Avignon" en y affichant des slogans tels que "Vingt ans pour tous", la peine maximale encourue par les accusés.

L'avocat, qui défend quatre de la cinquantaine d'hommes accusés d'avoir violé Gisèle Pelicot, préalablement sédatée par son désormais ex-mari Dominique à leur domicile de Mazan, reproche au ministère public des réquisitions "déraisonnables, incohérentes et surtout injustes".

"Quelle cohérence?"

"Jacques C., envers qui on ne peut pas retenir un acte de pénétration: 10 années de réclusion. Romain V. (venu six fois), 18 ans, à peine deux de moins que pour Dominique Pelicot. Quelle cohérence ? Cendric V., 14 années, Lionel R., 12 ans: quelles proportions ?", a tonné Me Lemaire.

Dominique Pelicot, qui plaide coupable, assure depuis son arrestation en novembre 2020 que tous les hommes venus à Mazan étaient parfaitement au courant qu'il droguait sa femme à son insu, ce que pratiquement tous contestent.

"Génie de la manipulation"

"Celui qui a pu tromper sa propre femme pendant 10 ans, n'a-t-il pas pu également manipuler ces hommes", en leur faisant gober le scénario d'un "couple échangiste à la recherche d'un homme ?", demande Me Lemaire.

"Alors oui, dans la chambre, ils auraient dû faire preuve de discernement. Pour certains, ils l'ont eu assez vite, d'autres sont restés, ou y sont même retournés", soutient l'avocat, pour qui le "discernement" de ses clients avait été "aboli" par "ce génie de la manipulation qu'est Dominique Pelicot".

Absence "d'intention criminelle"

Et d'estimer qu'en l'absence "d'intention criminelle", la cour devra prononcer leur acquittement.

Charly A., 30 ans, s'est lui aussi rendu six fois chez le couple Pelicot. "En sept minutes 38 secondes, on a balayé le dossier et posé 16 ans", a déploré son avocat, Christophe Huguenin-Virchau.

"La seule question qui vaut la peine: était-il conscient qu'il était en train de commettre un viol, avait-il l'intention de commettre un viol ?", interroge Me Huguenin-Virchau, répondant lui aussi par la négative. "Alors j'ose le mot tabou: acquittement. Et je vous demande de le prononcer".

C'est également "avec ferveur" que Me Caroline Beveraggi plaide l'acquittement pour Patrice N., un électricien de 55 ans contre qui 12 ans de réclusion ont été requis.

"La folie d'un seul homme"

"Et donc voilà encore un crétin qui commet un crime et accepte d'être filmé ?", lance l'avocate. Non, son client était "à mille lieues d'imaginer être en présence du plus grand pervers de la décennie" et de concevoir que sa femme était droguée.

"Dans le scénario de Dominique Pelicot, il faut immédiatement un acte sexuel pour que l'invité n'ait pas le temps de voir l'inertie de Mme Pelicot. Et là, c'est filmé, c'est dans la boîte. Ensuite quand Patrice N. demande pourquoi elle ne se réveille pas et que Pelicot lui répond qu'il lui donne des médicaments, il lui dit "Tu es un grand malade", il prend ses affaires et il part", relate l'avocate.

"La contrainte, elle n'est pas de son fait, il l'ignorait totalement. Ce procès n'a rien à faire dans l'histoire. C'est la folie d'un seul homme", a-t-elle ajouté.

Depuis le début des plaidoiries, les avocats de 28 accusés ont réclamé l'acquittement pour 15 qui ont plaidé coupable et deux qui ne se sont pas prononcés clairement. Les plaidoiries de la défense doivent s'achever vendredi. Le verdict est attendu le 19 ou le 20 décembre.