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Conférence sur le climat (COP21)

Accord contraignant en vue

Paris • A l’approche de la fin de la COP21, les négociateurs travaillent jour et nuit pour trouver un accord. Selon Greenpeace, on y trouve le pire comme le meilleur.


9 décembre 2015 à 21:17

Laurent Fabius a remis hier aux 195 pays participant à la conférence de Paris sur le climat un projet d’accord en progrès par rapport aux précédentes versions. Ce texte ne règle toutefois toujours pas les trois principaux points au cœur de la négociation.

«Le texte s’efforce de refléter les compromis naissants», a déclaré le ministre français des Affaires étrangères et président de la COP21, en présentant le nouveau document en séance plénière. Le but est «de nous permettre d’avoir une vision d’ensemble des progrès et de nous concentrer sur les questions politiques encore à régler». Le texte a été ramené de 43 à 29 pages et les «trois quarts des points entre crochets», c’est-à-dire non résolus, ont été supprimés, a précisé le chef de la diplomatie française.

Nuits de négociations

Les équipes de la présidence française et les ministres facilitateurs ayant dirigé les groupes de travail thématiques depuis dimanche soir ont travaillé dans la nuit pour produire le document. La Suisse joue les facilitatrices dans le domaine des forêts, avec l’Equateur et la République démocratique du Congo (RDC). «Nous avons progressé, mais il reste encore pas mal de travail», a résumé M. Fabius, qui compte toujours sur une adoption finale de l’accord vendredi à 18h.

En parallèle aux discussions entre ministres à Paris, les chefs d’Etat continuent à se parler. Le président américain Barack Obama a ainsi appelé mardi son homologue brésilienne Dilma Rousseff, puis le premier ministre indien Narendra Modi hier. L’Inde, quatrième pollueur mondial, est un pays clé des négociations.

Quelle ambition?

M. Fabius a précisé que restaient notamment à trancher les points relatifs à la «différenciation» (la modulation des efforts demandés aux pays selon leur niveau de développement), aux questions financières et au «niveau d’ambition» de l’accord. Ces trois volets sont depuis le début des négociations les plus difficiles à résoudre, tant ils se heurtent à nombre d’intérêts contradictoires.

En matière d’ambition, la nouvelle mouture, bien que nettement plus ramassée que les précédentes, réintroduit même trois options concernant l’objectif de réchauffement climatique. La première stipule que les signataires s’engagent à contenir ce réchauffement «sous 2°C au-dessus des niveaux pré-industriels» d’ici la fin du siècle. Dans la deuxième, il s’agit de maintenir la hausse de température «bien en dessous de 2°C», en reconnaissant les risques encourus par certaines régions au-dessus de 1,5°C et en préconisant des efforts supplémentaires. La troisième reprend l’objectif de 1,5°C demandé par les pays les plus vulnérables aux dérèglements climatiques.

«Décisions difficiles»

Thoriq Ibrahim, ministre de l’Environnement des Maldives et porte-parole des petits Etats insulaires, fortement exposés aux effets du changement climatique, a exhorté les ministres à prendre maintenant «des décisions difficiles».

Autre sujet majeur de friction: l’aide financière aux pays du Sud pour faire face au réchauffement dont ils sont les premières victimes. Comment la comptabiliser (prêts, dons, public, privé)? Et quels pays doivent contribuer?

Soucieux d’apporter une réponse à cette question qui pourrait bloquer les discussions, le secrétaire d’Etat américain John Kerry a annoncé hier le doublement de l’aide américaine d’ici 2020 pour l’adaptation des pays au dérèglement climatique. En 2014, cette aide s’est élevée à 430 millions de dollars.

«On se retrouve avec un texte qui comporte encore le pire comme le meilleur. Et 24 heures avant la fin de cette COP, c’est plus qu’inquiétant», a réagi pour sa part le directeur général de Greenpeace France, Jean-François Julliard. Une formule qui résume le sentiment exprimé par les ONG.

Penser aux plus pauvres

«Il y a encore beaucoup à faire, on arrive au moment crucial», a relevé la directrice d’Oxfam, Helen Szoke, qui a invité les ministres présents au Bourget «à oublier leurs projets pour le week-end pour essayer d’obtenir le meilleur accord possible pour les plus pauvres». ATS

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Le modèle suisse des Cités de l’énergie

La conférence de Paris sur le climat (COP21) pourrait réussir son pari, mais ce n’est pas tout de conclure un accord. Il faut aussi disposer des outils permettant de le mettre en œuvre. Dans ce domaine, la Suisse n’a pas seulement de l’argent à proposer mais aussi un savoir-faire. Laurent Widmer, collaborateur du Secrétariat d’Etat à l’économie (Seco), est depuis hier à Paris pour présenter le concept suisse de Cités de l’énergie. «Le modèle suisse qui permet aux communes de maîtriser leur consommation énergétique suscite beaucoup d’intérêt à l’étranger, où nous soutenons déjà des projets similaires», souligne-t-il.

Le label Cité de l’énergie est né au début des années 1990. Il repose sur un catalogue de 79 mesures qui peuvent être librement choisies par les communes. Certaines mesures sont très simples et bon marché. Il peut s’agir par exemple de l’organisation d’un pedibus (accompagnement des enfants à l’école à pied). D’autres sont plus coûteuses, comme le remplacement de l’éclairage public par des leds ou l’isolation des bâtiments communaux. Pour être labellisé, il faut avoir réalisé ou planifié au moins 50% des mesures possibles. La première ville labellisée en Suisse fut Neuchâtel en 1995. On compte aujourd’hui 390 cités de l’énergie dans tout le pays. Elles englobent une population de 4,5 millions d’habitants.

Ce modèle s’est aussi propagé en Europe. Il existe désormais une certification européenne décernée aux communes qui ont mis en œuvre plus de 75% des mesures possibles.

Pour le Seco, les cités de l’énergie sont un modèle d’avenir pour le développement urbain. «Depuis 4 ans, nous soutenons des projets en Roumanie, en Ukraine et bientôt en Tunisie», indique Guy Bonvin, responsable du secteur Financement d’infrastructures au Seco. «Notre objectif n’est pas d’arriver avec un projet limité au seul investissement mais d’enclencher un processus à partir de celui-ci. Nous subventionnons par exemple des projets de chauffage à distance en cherchant à les inscrire dans une perspective plus globale de réflexion énergétique. Ce type d’accompagnement agit comme un catalyseur. La ville de Vinnitsa, en Ukraine, vient de recevoir son premier label Cité de l’énergie trois ans après s’être engagée sur cette voie. C’est intéressant dans une logique climatique comme celle de la COP 21.» CHRISTIANE IMSAND

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