Logo

Suisse

Affaire Credit Suisse. Les imprévus décryptés

Indépendance de la BNS, revendications financières étrangères ou capacités à opérer un nouveau sauvetage, autant de points problématiques décryptés par Sergio Rossi, expert de la question.


 Pierre-André Sieber

Pierre-André Sieber

18 avril 2023 à 04:01

Temps de lecture : 1 min

Credit Suisse » Après les débats acharnés du parlement la semaine passée, le salut de Credit Suisse (CS) suscite encore de nombreuses questions et surprises. En premier lieu, celle des prêts consentis et des fonds débloqués pour régler l’ardoise de ce gâchis. Comme l’évoquait la presse dominicale, des revendications financières d’investisseurs étrangers ont de grandes chances de se terminer devant un tribunal international. Se posent encore les problèmes de l’indépendance de la Banque nationale suisse (BNS) vis-à-vis du Conseil fédéral et de la capacité du pays à renouveler une opération de sauvetage pour une banque comme UBS qui pèse plus de 1500 milliards de francs. Les explications de Sergio Rossi, professeur de macroéconomie et d’économie monétaire à l’Université de Fribourg.

Huit milliards de francs devaient être initialement versés, comme indemnité, aux détenteurs d’obligations CS déclarées sans valeur. Mais voilà que la somme va doubler, selon la SonntagsZeitung. Dans quelle enveloppe faudra-t-il puiser pour trouver 8 milliards de plus?

Sergio Rossi: Le problème est double à cet égard. Tout d’abord, normalement, entendez selon les règles juridiques en vigueur, ce sont les actionnaires qui doivent subir les pertes d’une institution bancaire – comme d’une autre entreprise quelconque – et pas les détenteurs des obligations émises par celle-ci. Ensuite, les obligations CS dont il s’agit sont en fait convertibles en fonds propres ou annulées seulement si le niveau des fonds propres dont dispose cette banque tombe en dessous d’un certain seuil, ce qui n’était pas le cas lorsque le Conseil fédéral a décidé d’exproprier leurs détenteurs. Si ceux-ci lancent un recours collectif (class action, ndlr) contre cette décision du Conseil fédéral, ils vont à mon avis obtenir gain de cause, du fait que le droit en vigueur n’a pas été respecté par les autorités suisses. Le cas échéant, ce sera à la Confédération d’indemniser celles et ceux qui possèdent ces obligations, désormais déclarées sans valeur.

Certains investisseurs étrangers ne veulent pas se laisser faire. Deux ont déposé plainte auprès du Département fédéral des finances. Un tribunal international devrait trancher. Une preuve de plus que le sauvetage de Credit Suisse est un exercice risqué?

Il s’agit d’une preuve supplémentaire que le Conseil fédéral a agi de manière tout à fait inappropriée, contrevenant même aux normes juridiques du Code des obligations. Cela va sans doute affaiblir la réputation internationale de la place financière suisse, voire l’attractivité de l’économie helvétique pour mener à bien les affaires de n’importe quelle entreprise transnationale.

Normalement, la prise de décision de la Banque nationale suisse doit se faire sans pression politique. Le cas de CS prouve le contraire. Faut-il revoir la règle d’indépendance de la BNS?

Non. La BNS est indépendante des autorités politiques, mais il faut exiger davantage de responsabilité de sa part, étant donné que l’indépendance d’une banque centrale lui impose d’être responsable de ses propres décisions et interventions. En l’occurrence, il faut que la BNS respecte la loi sur la Banque nationale du 3 octobre 2003, qui l’oblige à contribuer à la stabilité du système financier. Cela signifie que la BNS doit absolument éviter qu’une situation de crise bancaire comme celle induite par le comportement de la direction générale de CS puisse exister en Suisse.

Ce contenu provient de notre ancien site web. Il est possible que sa mise en page ne soit pas idéale. En savoir plus