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Hockey sur glace

«Un p’tit gars dans un monde de géants»

N°51, David Desharnais prend congé du hockey professionnel avec 5 bons souvenirs + 1 mauvais

David Desharnais a fièrement porté le chandail de Montréal...Jusqu’à l’abrupte séparation du 28 février 2017.

 Pierre Schouwey

Pierre Schouwey

24 mars 2023 à 02:01

Hockey sur la glace » «Pour les jeunes qui jouent au hockey, David Desharnais devrait être un miroir.» Le message est signé Bob Hartley, entraîneur canadien dont l’hommage se mélange parmi d’autres dans une vidéo d’adieux partagée cette semaine par Gottéron. Si l’attaquant canadien a officiellement pris congé des Dragons samedi passé, il prolongera son quotidien fribourgeois jusqu’au 30 juin. En attendant la fin de l’année scolaire et le début d’une nouvelle vie dans son Québec natal, «DD» s’est posé une heure en notre compagnie pour feuilleter une dernière fois le livre d’une carrière singulière et admirable.

A l’attaquant de poche, 175 cm sous la toise et 36 ans et demi au compteur, il a été demandé de ressortir six souvenirs, cinq positifs et un négatif: 5 + 1, comme le numéro qu’il a fièrement porté à Montréal, New York et Fribourg-Gottéron.

1L’aide des parents, qu’il leur a bien rendue

«Quitte à être chronologique, commençons par le début. Alors que les autres enfants devaient se rendre à la patinoire publique, mon père en avait fabriqué une dans notre cour. La passion naît là, dehors dans le froid, lors des heures passées à batailler avec mon grand frère, Stéphane, et les autres gamins du quartier. On ne soulignera jamais assez l’importance des parents dans une carrière. Mention aussi à ma mère, qui m’a suivi partout. En guise de remerciements, je l’ai mise à l’abri du besoin dès que possible. Sourde de naissance, elle ne gagnait pas beaucoup de sous en tant que couturière. Offrir à ma maman une retraite anticipée aura été la seule petite «folie» effectuée avec mon premier contrat en NHL!»

2Pas de draft, mais un coach sportif en or

«J’ai été repêché en ligue junior majeur du Québec, mais pas en NHL. Je ne crois pas que ça m’a affecté plus que ça. J’avais conscience d’être un p’tit gars dans un monde de géants, on me l’a assez souvent répété. Ces commentaires concernant ma taille ne m’ont jamais offusqué. Au contraire, je m’en suis nourri. A 15 ans, en Midget AAA (une ligue de développement, ndlr), le coach me retranche car il me juge trop petit et pas assez costaud. Résultat? Je suis revenu l’été suivant avec 13 kg de muscles en plus. Je n’avais travaillé que le haut du corps, pas les jambes. Ce n’était pas la bonne approche, qu’on se le dise, mais cette anecdote dit beaucoup de ma détermination.

Heureusement, Raymond Veillette est entré dans ma vie ensuite. Il a été mon coach physique depuis mes 18 ans. Je l’ai rencontré par l’intermédiaire du père de ma copine de l’époque. Ce dernier, directeur d’une école de hockey bien connue, avait pris en charge tous les frais pour que je puisse intégrer ce groupe d’entraînement estival. C’est en côtoyant des joueurs établis en NHL tels que Patrice Bergeron que j’ai pris la pleine mesure des sacrifices à consentir. Sans Raymond Veillette, je ne serais pas là aujourd’hui face à vous.»

3L’ECHL, «purgatoire» salvateur

«Avant de se transformer en victoire personnelle, cet épisode avait tout du cauchemar. Je sors des juniors, à Chicoutimi, avec trois saisons à 100 points, je suis invité à un camp d’entraînement avec le Canadien de Montréal. Il est convenu que j’aille fourbir mes armes en AHL, à Hamilton, avec l’espoir de faire le grand saut plus tard. C’est tout l’inverse qui se produit. Je suis relégué au troisième niveau, en East Cost Hockey League (ECHL). Un monde s’écroule.

Envoyé aux USA, à Cincinnati, je passe les premières semaines de la saison à broyer du noir. J’appelle mes parents en pleurant. Je songe même sérieusement à tout plaquer. Le déclic a lieu un soir où je délivre deux assists. On termine champions et je conclus cette aventure avec plusieurs prix individuels, y compris celui de meilleur compteur de la ligue. Ce fut une incroyable leçon de vie. Il n’y a rien de mieux que de réussir après avoir galéré, ce qui nous amène à un autre épisode similaire…»

4Un bail à 14 millions et le coup du maire

«Je fais mon trou en AHL en deux ans, avec quelques matches par-ci par-là en NHL, après quoi je m’installe définitivement dans l’équipe de Montréal. En 2012, le lock-out est décrété. Coïncidant avec la dernière saison de mon contrat de deux ans, le timing n’est pas très heureux pour moi. Je ne peux pas me permettre de rester inactif quatre mois, d’où ma pige à Gottéron. Bien m’en a pris. Affûté au recommencement de la NHL, je signe une séquence de 15 points en 20 matches. A 27 ans, le moment est venu de signer le plus gros contrat de ma carrière. Après négociations, mon agent m’obtient une entente de deux saisons à 1,5 million de dollars chacune. Pas vraiment convaincu, je quitte mon agent pour collaborer avec Pat Brisson, une référence dans le milieu. En trois semaines, il parvient à doubler le nombre d’années et le salaire (4 ans et 14 millions au total, ndlr). J’ai compris plein de choses ce jour-là!

Avec un tel contrat, les attentes me concernant sont décuplées. Problème, je traverse un énorme passage à vide au début du championnat suivant. Tout le monde me tombe sur la tomate. Y compris le maire de Montréal, Dennis Coderre! «Allo? Un billet simple pour Hamilton pour Desharnais, svp», écrit-il sur Twitter avec un vœu clair: me renvoyer en ligue mineure! Je laisse passer la tempête et finis la saison avec 51 points en 59 matches. C’est un sentiment indescriptible que de s’en sortir malgré cette immense pression.

Pour l’anecdote, le maire a demandé au club si j’étais d’accord de faire une séance photos avec lui, proposition que j’ai refusée. Quatre ans plus tard, lors de sa non-réélection à son poste, je n’ai pas manqué de prendre ma petite revanche sur Twitter. Je ne souhaite de mal à personne, mais le karma fait quand même bien les choses, non?»

5Débuts ratés en KHL: SOS Dubé!

«Enfin, comment fermer un si long livre sans s’arrêter au dernier chapitre? Je me souviens très bien du jour où j’ai décidé de revenir en Suisse. En 2018, je m’en vais en Russie parce que je ne voulais plus vivre avec cette peur constante d’être échangé ou envoyé en ligue mineure. Et voilà qu’après quelques semaines au Lokomotiv Yaroslavl, mon contrat est rompu et je me fais racheter par Omsk. J’étais hors de moi! Finalement, sportivement, la saison sous les ordres de Bob Hartley a été intéressante. Il m’utilise à toutes les sauces et nous atteignons la finale. C’est moins évident hors glace… Mon fils tombe malade, on se retrouve trois jours à l’hôpital sans parler la langue. Alors qu’on ne sait toujours pas ce dont il souffre, je dois partir jouer en Chine. C’en est trop. J’en fais part à Christian Dubé, avec lequel j’avais maintenu le contact.

La Suisse aura été un énorme coup de cœur pour toute la famille. Les gens sont gentils, bienveillants. Dans le championnat de NHL, les joueurs n’ont pas leur mot à dire sur la tactique. Ici, du moment que j’ai fait mes preuves, on a pris compte de mon avis pour le power-play et d’autres choses. Quitter tout ça sera très compliqué.»

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