La Turquie déjà tournée vers l’avenir
La formation de Senol Günes devait être une surprise de cet Euro, elle a finalement déçu ses supporters
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Patrick Biolley
19 juin 2021 à 04:01
Euro 2020 » La Turquie a une chose en commun avec la Suisse, c’est qu’elle a déçu ses supporters. «Ils sont totalement passés à côté», souffle Musa Araz, milieu de terrain du FC Sion qui a joué deux ans et demi dans le pays de ses parents. «Cette équipe est méconnaissable. Il y a tellement de bons joueurs, mais ils se sont peut-être mis trop de pression.» Turgut Akdag, entraîneur du FC Fribourg, également aux origines turques, va même plus loin: «C’est une honte! Un si grand pays, avec un tel bassin de population et une si grande passion pour le football n’a pas le droit de ne pas faire un seul tir en 90 minutes, même si l’adversaire est l’Italie. C’est triste.»
La sélection de Senol Günes, entraîneur qui avait conduit la Turquie à la troisième place de la Coupe du monde 2002, était pourtant pleine de promesses avant le début de la compétition. L’équipe est la plus jeune du tournoi (24,9 ans de moyenne), compte aussi dans ses rangs des éléments chevronnés tels Burak Yilmaz, champion de France avec Lille, Hakan Calhanoglu, pilier du Milan AC ou Caglar Söyüncü, cinquième de Premier League avec Leicester. «Pour moi il manque un ou deux joueurs qui ont l’expérience de ce genre de rendez-vous par ligne, estime Turgut Akdag. Les jeunes, quand ils sont en plein bourre, peuvent renverser n’importe qui. Mais dans un temps faible comme celui qu’ils vivent, le déficit d’expérience se fait sentir.»
Toujours des guerriers
Deuxième de son groupe derrière la France, la Turquie n’a connu qu’une fois la défaite en qualifications, c’était face à l’Islande. Contre les champions du monde, Burak Yilmaz et ses coéquipiers ont gagné à domicile et fait match nul au Stade de France. Capables de battre les Pays-Bas 4-2 en qualifications pour la Coupe du monde en mars dernier, les Turcs se sont heurtés aux Lettons une semaine plus tard (3-3). «C’est quelque chose qui a toujours fait défaut aux joueurs turcs: une fois dans le confort, ils tombent dans la facilité, souligne Musa Araz. C’est pour cela qu’il faut faire attention à la Turquie, car elle est imprévisible. Elle est arrivée à l’Euro avec peut-être trop d’assurance, mais dimanche (demain, ndlr) elle voudra se rebeller.»
A la fois force et faiblesse, la jeunesse de l’effectif peut donc autant être le détonateur que le fossoyeur de la nation balancée entre Asie et Europe. L’époque des guerriers, jouant souvent à la limite, qui avaient affronté la Suisse lors du match honteux de 2005 à Istanbul, n’est cependant pas totalement oubliée. «L’impact physique et la grinta sont toujours là tout comme la détermination dans les duels, rappelle le premier buteur de l’histoire de Konyaspor en Ligue Europa. Avec davantage de joueurs formés à l’étranger, la Turquie est devenue plus technique. Avant, cela se jouait essentiellement sur cette facette guerrière, aujourd’hui il y a de la jouerie et des éclats de génie.»
«Vivre avec son temps»
Le temps des Hakan Sükür, Tuncay Sanli ou Nihat Kahveci est donc révolu. Les héros du passé, de la gloire footballistique turque sur le plan continental et mondial, ont laissé leur place à un nouveau style. «Ce sont des souvenirs qui me resteront en mémoire à tout jamais, comme le match de la Suisse contre l’Argentine, explique Turgut Akdag. Mais il faut avancer, ne pas oublier mais vivre avec son temps.»
Et si les promesses de la jeunesse turque n’ont pas été tenues en cet été européen (une qualification pour les huitièmes de finale est en effet très compromise après les défaites contre l’Italie et le pays de Galles), le rendez-vous est déjà pris pour la Coupe du monde au Qatar, dans 18 mois. «Pour moi, cela va déjà commencer contre la Suisse dimanche, prévient Musa Araz. Avec l’expérience engrangée, l’équipe de Turquie sera bien plus forte ces prochaines années, c’est sûr. Mais les joueurs voudront déjà montrer qu’ils ne sont pas à cet Euro pour rien.» Et Turgut Akdag de conclure: «La qualité de cette équipe est sa fougue. Là, elle n’a plus rien à jouer si ce n’est sa fierté. Elle doit terminer sur une note positive.»
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