José Mourinho est-il toujours le «Special One»?
Ringard pour certains, le Portugais de 60 ans, dont la Roma affronte Servette ce jeudi soir, reste un entraîneur à part
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Pierre Salinas, Genève
30 novembre 2023 à 11:30
«Je ne vais pas m’excuser pour qui je suis.» Ou encore: «Mourinho a refusé la plus belle offre de l’histoire.» Mais aussi: «Smalling n’est pas un garçon qui supporte la douleur.» Et enfin: «La nouvelle sortie lunaire de Mourinho.»
Tapez son nom sur un moteur de recherche et il ne se passera pas un jour, peut-être une heure, sans que l’entraîneur connu pour sa moue boudeuse et l’arrogance de sa communication fasse les gros titres, clic après clic. Ce jeudi soir (21 h), la Roma de José Mourinho affronte le Servette de René Weiler, et voir le Portugais de 60 ans plus que le quinqua zurichois assis sur un banc est toujours un événement, comme le journaliste ne sera jamais en reste au sortir de l’une de ses conférences de presse. Vingt-quatre heures plus tôt, dans l’intimité du Stade de Genève, Mourinho a fait du Mourinho. Mais celui qui, le 2 juin 2004, jour de son intronisation officielle à la tête de Chelsea, s’était autoproclamé le «Special One», mérite-t-il encore cet obséquieux surnom?
Versatilité assumée
La question repose moins sur la personnalité d’un homme à la versatilité assumée que sur sa capacité toujours plus hypothétique à faire gagner les équipes qu’il dirige. «Je ne vais pas vous dire qu’il est le coach le plus spectaculaire qui soit. Mais l’étiquette de has been que certains lui collent me dérange, comme l’idée qu’il prônerait un football hyperdéfensif – on parque le bus et on procède par contre-attaques» – n’est pas justifiée, à mon avis», nuance Nicolas Vilas, voix de RMC et auteur du livre Mourinho: derrière le Special One – de la genèse à la gloire*. Et le Franco-Portugais d’ajouter: «Il ne faut pas oublier qu’il est le dernier à avoir offert un titre européen à un club italien: avec la Roma, déjà, en 2022. OK, ce n’était que la Conference League. Mais il a été fêté comme une Champions League car la Botte attendait cela depuis 12 ans. Depuis l’Inter de Mourinho, en somme…»
Fourbe et irrésistible
A jamais, Mourinho restera l’homme qui, au printemps 2010, a replacé, le temps d’une finale de «champions» remportée aux dépens de Barcelone, Samuel Eto’o au poste de latéral droit, alors même que le Camerounais était le prototype de l’attaquant qui croit en lui avant de penser aux autres. Irrésistible, le «Mou»? Oui mais, car avec le natif de Setubal, comme dans toute bonne histoire, il y a toujours un «mais»: José Mourinho est aussi ce mauvais perdant capable de toutes les fourberies, n’ayons pas peur des mots, pour contrer le Barça messianique, n’ayons pas peur des mots non plus, d’un certain Pep Guardiola, au cœur des années 2000.
«On prête à Guardiola l’invention du tiki-taka, mais Guardiola est un disciple de Cruyff, rappelle Nicolas Vilas. Le Gegenpressing de Jürgen Klopp? Le Gladbach de l’époque jouait déjà comme cela. Sur le plan du jeu et du jeu seulement, Mourinho n’a jamais eu la hype de ses jeunes congénères. Mais son génie est à son image: pragmatique. Quand il était l’adjoint de Louis van Gaal à Barcelone, il avait une vision très offensive du football. Et lorsqu’il est devenu coach en chef, sa plus grande qualité est d’avoir su s’adapter, à ses adversaires comme à son propre effectif.»
Le jeu de l’esprit
Osons l’écrire: plus qu’un homme de terrain, José Mourinho est un entraîneur-professeur, le premier d’une longue lignée, passé maître dans l’art de manier la carotte et le bâton. Piquer – il a publiquement laissé entendre que son défenseur Chris Smalling était «trop douillet» – ou caresser dans le sens du poil, peu importe, l’intérêt étant de susciter une réaction.
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