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La rectrice de l’Université de Lausanne (UNIL) Nouria Hernandez ne brigue pas de second mandat

Nouria Hernandez, première rectrice de l’Université de Lausanne, remet le gouvernail après quatre ans à la barre.

 raphaël besson

raphaël besson

13 juin 2020 à 04:01

Université » Première femme à diriger l’Université de Lausanne, Nouria Hernandez ne brigue pas de second mandat. Sur fond de fortes inquiétudes climatiques, elle souligne l’importance de la recherche scientifique pour soutenir l’action politique. Rencontre.

Dans son écrin vert, avec le Léman à quelques encablures, l’Université de Lausanne vit une étrange et inédite fin de pandémie. Le calme est trompeur, au moins pour la rectrice Nouria Hernandez. «On est encore dans une situation où l’on gère l’incertain». L’université reste fermée aux étudiants jusqu’aux examens d’août. «Et si l’épidémie repartait, est-ce que l’on va se réadapter de nouveau, sachant qu’il y a des milliers d’examens à organiser?», s’inquiète la biologiste.

Charge exigeante

Première femme à diriger l’Alma mater depuis août 2016, Nouria Hernandez (62 ans) a fait ses études à Genève, puis un doctorat à Heidelberg. Elle a travaillé longtemps aux Etats-Unis, avant de s’installer à Lausanne en 2004 et de diriger le Centre intégratif de génomique jusqu’en 2014. Elle a confirmé récemment qu’elle ne briguait pas un second mandat de rectrice de 5 ans. «La charge est extrêmement lourde», reconnaît-elle. L’UNIL comptait l’an dernier plus de 15 800 étudiants pour un budget de 623 millions de francs.

Les innombrables séances, qui occupent des journées entières et ne laissent que le soir ou le week-end pour le travail en profondeur, n’ont toutefois pas entamé l’intérêt, voire la passion à cette tâche. «On apprend tous les jours quelque chose à l’université. Quand on est rectrice, on a la chance d’être en contact avec des domaines extrêmement différents de sa spécialisation, la génomique dans mon cas», explique celle qui est née à Chêne-Bougeries (GE).

La récente période coronavirus a marqué Nouria Hernandez à plusieurs titres. «La semaine avant la fermeture de l’université a été incroyablement stressante pour moi. Il semblait clair, si l’on regardait les chiffres des infections en Italie, que la Suisse suivait le même chemin avec un peu de retard. Il fallait faire quelque chose, j’étais sous une énorme pression de fermer l’UNIL». Mais la décision devait attendre pour être en phase avec le canton et la Confédération.

Sa formation de biologiste a eu une influence indéniable. «C’est-à-dire que je peux lire une courbe, lance-t-elle dans un rire communicatif. Je sais ce qu’est un virus et je pense que c’était une des raisons de mon angoisse». Double nationale (Suisse et Etats-Unis), elle compare et «admire» la façon dont la Suisse et son gouvernement ont fonctionné. Et là, Nouria Hernandez se tend et s’indigne: «On a aux Etats-Unis un président qui dit aux gens qu’ils pourraient boire de l’eau de Javel. Un président qui n’a pas arrêté de dénigrer la science et les scientifiques.»

Au-delà de la colère, la biologiste tire des enseignements: «J’espère que cette expérience du Covid-19 va remettre dans la tête des gens, si certains en doutaient, qu’il est important de faire de la recherche et que les résultats puissent être communiqués à la population, aux politiciens et que ceux-ci en tiennent compte.» Pour autant, la biologiste tient au doute, à la remise en question et rejette le discours actuel sur la Science.

Il n’y a pas une science et qu’un avis. «La science est un processus dans lequel on est toujours à la limite supérieure du savoir et où l’on explore l’inconnu. Et vous découvrez des choses sans comprendre vraiment. Une semaine plus tard, ça veut dire autre chose. C’était ça avec le Covid-19. Ce processus est plein d’incertitudes, d’erreurs, d’interprétations, c’est normal, autrement ce serait inquiétant. Après il y a une stabilisation et des éléments établis sur lesquels on ne revient pas».

L’enjeu est de première importance. «Quand on m’a appris à écrire un article scientifique, on m’a toujours dit que l’on n’utilise pas la formule: ceci prouve cela. On ne prouve jamais rien, on observe et ensuite on tire des conclusions. Ça c’est honnête», affirme la rectrice.

Environnement menacé

Quant à la situation climatique, le débat scientifique est clos sur l’évolution du climat vers un réchauffement provoqué par les activités humaines et qui va entraîner des dérèglements. «Mais le débat pour remédier à cette situation est en revanche complètement ouvert et c’est de nouveau une décision politique».

Les conséquences vont être «majeures», redoute la biologiste. «J’ai grandi en apprenant à l’école primaire que la Suisse était le château d’eau de l’Europe. Et que voit-on? On en est à héliporter de l’eau pour nos vaches sur les alpages. Il y a des signes absolument certains de l’évolution», lance la rectrice avec une angoisse décelable dans la crispation de son sourire.

«Mon père espagnol nous parlait de la Guerre d’Espagne et de la Seconde Guerre mondiale. Il nous disait à mon frère et moi que l’on ne savait pas la chance qu’on a. J’ai deux enfants et j’aimerais qu’ils puissent avoir une vie aussi prospère et bonne que moi. Si l’on ne fait rien pour le climat, ce ne sera pas facile.»

Mais des souvenirs comme le Prix Nobel attribué à Jacques Dubochet, temps fort et joyeux de son mandat, lui redonne de l’entrain et des raisons d’espérer. «C’était un très beau moment pour des tas de raison. J’ai travaillé avec lui. C’est une belle personne, que l’on soit d’accord ou non avec ses opinions tranchées. Il est d’une sincérité totale.»

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