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Elles proposent un congé menstruel

Cinq jeunes élues du Conseil général réclament un congé payé spécifique pour les règles douloureuses.

Laura Zahnd et Margot Chauderna, deux élues vertes de Fribourg convaincues que le congé menstruel s’imposera «tôt ou tard». © Jean-Baptiste Morel

Patrick Chuard

Patrick Chuard

23 décembre 2023 à 18:35

Temps de lecture : 1 min

Ville de Fribourg » Cinq élues du Conseil général de Fribourg souhaitent introduire un congé menstruel dans le règlement du personnel de la ville de Fribourg. Leur proposition, qui devrait être soumise au parlement de la ville en début d’année, propose qu’un congé payé puisse être accordé jusqu’à trois jours par mois sans certificat médical. Margot Chauderna (verts) souligne que cette demande «n’a rien de révolutionnaire en soi. Les employés de la commune peuvent être malades sans certificat médical pendant trois jours.»

Pourquoi dans ce cas ne pas simplement se déclarer malade lorsqu’on a des menstruations douloureuses? «Il nous semble important d’apporter de la visibilité à ce sujet. Il est fondamental de pouvoir dire que je suis malade à cause de mes règles et de considérer qu’il s’agit d’un motif d’absence légitime. Actuellement, les personnes menstruées sont censées venir travailler même quand elles ne se sentent pas bien, sans compter qu’on leur fait parfois des commentaires déplacés», dit sa collègue de parti, Laura Zahnd. Elle évoque également la question de la régularité des absences: «Les absences perlées, réparties sur l’ensemble de l’année, ne sont pas du tout perçues par un employeur de la même manière qu’une seule absence maladie de longue durée.»

Douleurs parfois intenses

Le texte, signé en outre par Giulia Tognola (verts), Leyla Seewer (ps) et Ana Teresa Fontes Martins (pvl), souligne le fait que «la période des menstruations, en plus de se manifester par un écoulement vaginal, est caractérisée par les dysménorrhées», soit des douleurs parfois intenses qui accompagnent les règles. «Ces douleurs peuvent durer plusieurs jours et se manifester sous diverses formes: douleurs dans le bas-ventre, le dos et les jambes, maux de tête, nausées, vomissements, gonflement des seins et du ventre, fatigue, sensibilité exacerbée et variations d’humeur.» L’endométriose, une maladie gynécologique fréquente, peut faire empirer ces symptômes. Malgré tout, «les personnes concernées subissent encore un stigmate lié aux menstruations, qui les dissuade d’en parler et les pénalise dans le monde du travail».

«Un tel congé est déjà appliqué en Espagne ou en Corée du Sud, mais il est en partie non payé: la reconnaissance est donc limitée. Cela existe en revanche dans certaines entreprises privées, qui mettent cette disposition en avant pour des questions de qualité et d’attractivité des places de travail. Dès lors, pourquoi le secteur public n’y participerait pas?» demande Laura Zahnd.

Postulat à Zurich

Margot Chauderna observe que «le sujet reste largement méconnu car il est jugé tabou et relevant de la vie privée. Mais c’est un sujet politique d’égalitéDes postulats visant le même but ont été déposés à Zurich et à Lausanne. Nous préférons passer par une proposition à Fribourg afin de réclamer un changement de règlement plutôt qu’une étude préalable sur la question, cela nous semble plus efficace et plus rapide.» Elle précise qu’un congé menstruel est «avant tout une question féministe. La santé des personnes menstruées fait l’objet de peu de recherches et le domaine du travail perpétue encore des discriminations à leur égard. Nous voulons lutter pour que cela change.»

La proposition des élues cite Aline Bœuf, doctorante en sociologie à l’Université de Genève, qui a récemment signé un livre sur «le tabou des règles». Pour le briser, celle-ci évoque «la mise en place d’un congé menstruel et réfléchi pour qu’il corresponde à tous et qu’il soit pertinent pour la population active dans les services, par exemple, et qui ne peut faire du télétravail» (notre édition du 23 octobre).

«Montrer l’exemple»

Cette proposition émane de cinq femmes jeunes. Y aurait-il une différence d’appréciation générationnelle sur la question? «Nous n’avons pas fait de sondage au sein du Conseil général pour évaluer le soutien à notre proposition. Le sujet paraît nouveau, mais je suis convaincue que ce genre de congé s’imposera partout tôt ou tard. La question est de savoir si la ville de Fribourg est prête aujourd’hui à franchir ce pas pour être pionnière et montrer l’exemple», dit Laura Zahnd. Les deux élues écologistes admettent cependant que «le rapport au travail est générationnel. Pour la génération de nos parents, une absence au travail pour raison de maladie était problématique. La jeune génération place la santé physique et mentale avant le travail. Mais ce n’est pas forcément au détriment de l’employeur: une personne en bonne santé est en capacité de mieux travailler.»

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