«Sans liquidités, je suis à l’agonie»
Contraints à la fermeture, les restaurateurs souffrent. A Ependes, Nicolas Berset lance un cri d’alarme
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28 avril 2020 à 00:35
Crise » Ils ont beau avoir l’habitude de servir des espressi à longueur de journée, les restaurateurs ne savent pas lire dans le marc de café. Et leur avenir est ma foi bien trouble. Contrairement aux autres commerçants, ils ne savent toujours pas quand ils pourront rouvrir les portes de leurs établissements, bouclées depuis le 16 mars par les autorités fédérales pour lutter contre le Covid-19. Et selon GastroSuisse, l’association faîtière de la branche, les pertes entraînées par cette situation pourraient laisser sur le carreau de 30% à 40% d’entre eux si celle-ci se prolonge.
Dans le canton de Fribourg, le Conseil d’Etat a tendu la main aux tenanciers d’établissements publics en proposant un soutien pour leurs loyers, pour autant que leur chiffre d’affaires ne dépasse pas le million de francs par an. Cette aide est destinée en premier lieu aux petites entités économiques. Selon le gouvernement cantonal, les acteurs plus importants ont en effet des arguments pour négocier des solutions avec les bailleurs, qui ne peuvent pas se permettre de perdre des loyers lucratifs.
Un poil trop haut
Ce raisonnement fait bondir Nicolas Berset, 37 ans. Patron de l’Auberge du Château, à Ependes, il lance un cri d’alarme: «Nous sommes à l’agonie au niveau des liquidités. Je viens de verser les salaires d’avril, et je pourrai encore le faire en mai, mais ensuite, ce ne sera plus possible», lâche-t-il.
«Comme employeur, je dois assumer les charges sociales en plein»
Nicolas Berset
Avec son épouse Vanessa, 33 ans, il tient cette enseigne sarinoise depuis bientôt neuf ans. Celle-ci a la forme d’une société à responsabilité limitée employant neuf personnes, dont le couple. Chiffre d’affaires annuel: environ 1,1 million de francs. «Nous avons bien sûr demandé les indemnités pour réduction d’horaire de travail (RHT). Mais il faut pouvoir payer les salariés pour être remboursé. Et comme employeur, je dois assumer les charges sociales en plein», souligne-t-il.
Flirtant avec la limite fixée par l’Etat pour profiter du dispositif de secours cantonal, Nicolas Berset fulmine: «Avec un tel plafond, on exclut de facto 30% des établissements publics fribourgeois, selon GastroFribourg.» Et de poursuivre: «Je réalise un chiffre d’affaires plus élevé que d’autres, mais j’ai aussi davantage d’employés et de charges. Une fois tout payé (y compris son salaire et celui de son épouse, ndlr), les bonnes années, il reste 1% du chiffre d’affaires comme bénéfice. Proposer une telle aide, dans ces conditions, c’est incompréhensible! Cela crée une discrimination dans la branche.»
Cependant, à Ependes, le restaurateur n’a pas jeté une bouteille à la mer en vain. Propriétaire de l’Auberge du Château, la commune a suspendu le versement du loyer (4000 francs par mois, plus 800 francs de charges) pendant la période d’inactivité. «Nous renonçons à notre dû le temps que dure la fermeture. Le restaurant est un lieu social important pour le village. C’est notre manière de le soutenir», indique la syndique Nicole Bornet. Satisfait de ce coup de pouce communal, Nicolas Berset fait pourtant comprendre que ça n’allait pas de soi et qu’il a dû batailler pour l’obtenir. «Dans notre esprit, il a toujours été clair que nous ne réclamerions pas ces loyers», commente la syndique.
4800
En francs, le loyer mensuel de Nicolas Berset, charges comprises
Concept de réouverture
D’ordinaire, l’auberge sarinoise réalise en moyenne 500 couverts par semaine. Sa spécialité: le bœuf «Fleur d’Hérens», provenant du Valais, et aussi la chasse en automne. «Il me tient à cœur de travailler avec des produits locaux», raconte le patron, qui cuisine lui-même.
Il espère pouvoir s’y remettre prochainement. Si aucune date n’est pour l’heure articulée, GastroSuisse vient de soumettre un premier concept de réouverture aux autorités fédérales. Selon ce document, les établissements devront notamment respecter une limitation du nombre de clients par mètre carré, ainsi qu’une distance entre les tables. Le port du masque sera obligatoire en cuisine.
«Même lorsque nous aurons repris nos activités, il faut que nous puissions continuer à bénéficier des RHT. Car il ne sera pas possible de faire travailler tout le monde», relève Nicolas Berset. Peu enclin à demander un crédit-relais garanti par la Confédération, «parce que ça ne fait que repousser le problème», il souhaite que d’autres aides soient mises en place pour les restaurateurs, par exemple une exemption de la TVA pour 2020 ou un «geste» en ce qui concerne les charges sociales.
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