Le patois sur le chemin de l’école
Marcel Thürler, président des patoisants, évoque les défis autour de cette langue qui sera fêtée demain
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Charles Grandjean
13 septembre 2019 à 04:01
Patrimoine » Le Conseil fédéral a reconnu le patois comme langue minoritaire en novembre 2018, à travers l’application de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires du Conseil de l’Europe. L’idiome sera célébré demain, au château de Bulle, lors de la Journée européenne du patrimoine. Cheville ouvrière de cette reconnaissance, Marcel Thürler, président des patoisants du canton et de la Gruyère, revient sur ces enjeux.
Comment s’est déroulé ce processus de reconnaissance?
Marcel Thürler: Les démarches ont débuté en 2013, auprès d’Isabelle Chassot, lorsqu’elle était conseillère d’Etat, puis en tant que directrice de l’Office fédéral de la culture. J’ai depuis été auditionné chaque année à Berne par la commission des langues minoritaires du Conseil de l’Europe, composée d’experts étrangers. Les services de la culture des cantons romands étaient aussi représentés.
La reconnaissance touche donc l’ensemble des patois romands…
Oui, car il s’agit de la reconnaissance du franco-provençal, qui englobe tous les patois. J’ai d’ailleurs présidé la Fédération internationale des patoisants. A ce titre, je représentais les cantons romands à Berne. Le patois du Jura, qui vient lui de la langue d’oc, a aussi été intégré.
Le statut de langue minoritaire a-t-il été obtenu facilement?
Non, car au départ les experts voulaient nous classer comme dialecte. On a dû prouver qu’il s’agissait d’une langue parlée à travers un dictionnaire, l’enseignement dans les écoles, le théâtre et le chant choral. C’est au niveau culturel, en tant que patrimoine, que ça s’est joué.
Que va apporter ce statut?
Il pousse l’Etat à promouvoir la langue. La charte demande par exemple qu’une initiation ait déjà lieu au niveau primaire.
Quelle forme prendra-t-elle?
C’est au Service de l’enseignement obligatoire avec le Service de la culture, d’élaborer des propositions. Du côté des patoisants, on collaborera en fournissant des textes et des documents. Mais il n’y aura pas d’examens ou de tests de patois dans les écoles. L’initiation permettra un meilleur passage au degré secondaire où sont déjà donnés des cours facultatifs dans huit cycles d’orientation.
L’offre de cours va-t-elle évoluer au niveau secondaire?
Elle va certainement augmenter et se renforcer. Je pense au niveau informatique, avec peut-être une application audio.
N’y a-t-il pas un risque de manquer d’enseignants?
Non, ce n’est pas la plus grande difficulté. Nous avons beaucoup d’anciens enseignants du primaire qui se proposent pour enseigner le patois.
Sentez-vous un engouement pour le patois hors des écoles?
Oui. Depuis l’annonce de la reconnaissance, on voit un regain d’intérêt. Des villages ou des entreprises commencent à écrire des mots de bienvenue en patois. On a régulièrement des demandes pour des traductions de menus de mariage ou de textes d’anniversaire. Les gens veulent garder cette identité.
Avec le vieillissement des patoisants, ne rencontrez-vous pas des problèmes d’effectifs?
Il y aurait 5000 locuteurs dans le canton. On est entre 1700 et 1800 patoisants dans le canton (membres de sociétés de patoisants, ndlr). Les jeunes compensent pour l’heure les anciens qui nous quittent. Ils proviennent des cours du CO, du théâtre.
Combien de temps pourra-t-on encore maintenir le patois?
Il ne va pas tomber avant la prochaine génération. C’est à nous d’apporter quelque chose pour qu’il se maintienne. Il faut le nourrir. Sur Fribourg, on est gâté avec la tradition chorale, le théâtre. Ce sont des ambassadeurs.
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