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Société

Le pouvoir de la beauté

François Hourmant publie un livre sur le tabou du physique en politique. Interview du professeur français

Le couple mythique Kennedy (en haut), modèle de nombreux autres couples présidentiels, dont les Sarkozy (ici avec les Obama). Les politiciens tentent aussi d’avoir l’air beaux et sains. A droite, Silvio Berlusconi, adepte de la chirurgie esthétique.

 Tamara Bongard

Tamara Bongard

10 janvier 2022 à 13:37

Temps de lecture : 1 min

Ouvrage » Des portraits peints très flatteurs de Louis XIV où n’apparaissait aucune trace de sa petite vérole aux opérations chirurgicales en cascade de Berlusconi lui valant le surnom de «la momie», du charme juvénile du couple Kennedy à la classe des Obama, de la calvitie mal assumée de Jules César camouflée sous une couronne de lauriers à Nicolas Sarkozy s’arrangeant pour toujours rencontrer des ouvriers plus petits que lui: l’apparence a toujours été liée aux gouvernants. Consciemment ou non, elle influence aussi l’électorat. Ainsi quand le votant sent la fausseté de la façade, il devient suspicieux sur le fond. François Hourmant, professeur des universités en science politique, spécialiste d’histoire contemporaine, consacre à ce sujet un livre passionnant, Pouvoir et beauté, le tabou du physique en politique. Interview du Français.

Dans votre livre, vous montrez qu’un lien a toujours existé entre beauté et pouvoir, mais que la situation est passée à la vitesse supérieure en l’an 2000. Pourquoi?

François Hourmant: C’est en gros la date de l’apparition des réseaux sociaux, qui ont modifié les modalités d’exposition des acteurs politiques. Ces derniers se retrouvent alors à toujours mettre en scène leur image de manière valorisante. En parallèle, nous avons vu se développer des cérémonies dégradantes. Les smartphones vont devenir un instrument à la portée de tous pour saisir ces politiciens dans des situations peu gratifiantes et les relayer sur des réseaux sociaux. Les acteurs politiques veulent jouer le jeu de l’égalisation, à travers le biais éventuellement de filtres esthétisants et, d’un autre côté, les journalistes ou des lecteurs saisissent des séquences qu’ils médiatisent.

Vous liez aussi ce dévoilement des politiques à la volonté récente de transparence…

Deux phénomènes conjoints coexistent. Il y a de plus en plus une personnalisation de la vie politique, un phénomène qui s’est accru depuis les années 80. Auparavant les acteurs politiques étaient davantage des représentants de partis, je pense évidemment, en France, à François Mitterrand, premier secrétaire du Parti socialiste, et à Jacques Chirac, figure du gaullisme. Petit à petit, les politiciens sont devenus des individus symboles, qui se mettent en scène, à travers des storytellings (mises en récit, ndlr) de micronarration portant notamment sur l’exposition de leur personne, sur leur couple, leurs enfants, leurs animaux domestiques parfois… Tout ce qui permet d’humaniser les candidats et de donner une image d’eux plus proche des électeurs, sur le mode de «je suis comme vous». Elle va de pair avec une exigence grandissante de transparence, d’authenticité. On attend des acteurs politiques qu’ils soient sincères, car il y a une certaine défiance à l’égard du personnel politique, en tout cas en France et aux Etats-Unis. Emmanuel Macron a ainsi fait toute sa campagne de 2017 sur le rejet des professionnels de la politique. En s’exposant, on prétend fendre l’armure pour donner à voir ce qui serait une personnalité vraie.

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