«J’aime casser les codes»
Le festival électro Les Digitales se déroule ce week-end à Fribourg. Parmi les artistes présents, il y a la Fribourgeoise Noria Lilt. Rencontre
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Olivier Wyser
10 septembre 2022 à 04:01
Musique électronique » Pour le grand public, les musiques électroniques – et la figure emblématique du DJ derrière ses platines – demeurent encore bien souvent un mystère enfoui dans la moiteur des clubs nimbés de fumigènes et zébrés de lasers. Quelques événements ressortent toutefois périodiquement à l’instar de la Street Parade de Zurich, avec son défilé carnavalesque qui ne manquera pas de faire une apparition au 19 h 30 de la RTS, ou le succès mainstream de quelques superstars telles que David Guetta, Tiësto ou Calvin Harris, abonnés aux grands festivals estivaux. Mais derrière ces étendards bien implantés dans le paysage pop, il existe une vraie culture musicale aux racines profondes et qui s’exprime au travers de multiples styles.
Le festival Les Digitales, qui tient ce week-end à Fribourg sa sixième édition, a justement pour objectif de «rompre les idées préconçues sur la musique électro». La majeure partie de l’événement se déroule d’ailleurs dans le cadre inattendu du Jardin botanique de Fribourg (lire-ci-dessous). A l’affiche des Digitales, la productrice et DJ fribourgeoise Fiona Rody alias Noria Lilt – ce soir sur la scène du Nouveau Monde avec Cheap House et Teho – lève le voile sur les dessous d’une scène musicale qui l’a notamment emmenée jusqu’à Berlin, une ville symbole de liberté et capitale de l’internationale électro. Rencontre.
Une résidence à Berlin
Si vous voulez tendre un piège à Noria Lilt demandez-lui simplement de décrire sa musique. «J’aime bien répondre à cela et à la fois je déteste…» résume-t-elle dans un éclat de rire. «Disons que j’aime casser les codes et faire tomber les frontières entre les genres. Je préfère m’intéresser aux structures ou aux textures plutôt qu’aux styles eux-mêmes», explique la Fribourgeoise de 27 ans qui a sorti en 2021 un EP, The Insiders of the In-Between, sur le label Strecke Records, oscillant entre ambient et club music. «Mais j’ai aussi eu l’occasion de composer de la musique pour une pièce de théâtre (Incarnation avec Joséphine de Weck et Nicole Morel, ndlr) ou pour des films. Ce qui relie tout cela c’est ma passion pour le sound design», ajoute celle qui vient de décrocher un bachelor à la Haute Ecole des arts de Berne dans la section Sound arts.
Si Fiona Rody parle de sa musique avec autant d’assurance, c’est qu’elle a déjà sacrément bourlingué. Issue d’une famille de musiciens, elle fait ses premières armes dès l’enfance dans une chorale dirigée par son père. A l’adolescence elle commence à collectionner des disques et s’intéresse au hip-hop, puis au trip-hop, sa porte d’entrée vers les musiques électroniques. A 17 ans, la Fribourgeoise se lance derrière les platines, poussée par des connaissances actives dans le milieu. «Je jouais sous le nom de La Bohême, mon premier projet musical.» Son aisance derrière les platines la conduit naturellement dans la ville de Berlin, capitale électro européenne. «J’ai été DJ résidente dans le club Ipse durant deux ans… Que de souvenirs et d’aventures!»
Un public connaisseur
De cette expérience, Noria Lilt retire une capacité à assurer des DJ sets de plusieurs heures. «A Berlin les clubs ne fonctionnent pas comme ici. Il n’est pas rare pour un DJ de devoir mixer pendant plus de quatre heures d’affilée, jusqu’à sept heures même. Il n’y a pas vraiment d’heure de fermeture et tant qu’il y a des gens dans la salle on continue…» Une école de l’endurance qui lui a enseigné l’importance d’une bonne hygiène de vie. «J’aime faire la fête mais lorsque je mixe je dois être concentrée et préparée. J’essaie de dormir avant, de planifier mon effort.» De quoi tordre le cou à pas mal d’idées reçues sur le monde de la nuit, souvent réduit à un espace de débauche carburant aux drogues de synthèse. «Je comprends qu’il y ait des clichés sur l’univers des musiques électroniques. L’aspect festif est de toute manière indissociable de l’expérience du clubbing. Cette mauvaise image me touchait beaucoup à mes débuts. Aujourd’hui j’invite simplement les personnes sceptiques à venir voir par elles-mêmes. Ce serait bien si les gens se laissaient surprendre.»
Et que répondrait la Fribourgeoise à ceux qui estiment qu’être DJ c’est trop facile puisqu’il suffit de jouer les disques des autres… «J’ai envie de leur dire qu’ils ont raison! En effet, techniquement, c’est facile, surtout que cela s’est démocratisé ces dernières années et qu’il n’y a plus besoin de manipuler des vinyles», répond Fiona Rody du tac au tac. «Mais selon moi il y a une grande différence entre passer des disques et construire un DJ set. Il y a une élaboration, une dynamique. C’est cette approche qui est intéressante. Mes sets s’adaptent au lieu, à l’heure où je joue… Il faut aussi mélanger les styles, prévoir quelques crowdpleasers (des morceaux qui vont à coup sûr plaire au public, ndlr) et aussi oser brusquer les gens, les amener ailleurs. Je trouve qu’il y a aujourd’hui une grande ouverture d’esprit en termes de réception du public. J’essaie de profiter au maximum de cette opportunité.»
Ce soir au Nouveau Monde, Noria Lilt jouera en live. «C’est une mise à nu totale de mon matériel et de ma musique», confie-t-elle. Connaisseur, le public des Digitales appréciera. «C’est un public de rêve, très réceptif. Les Digitales c’est une plateforme, une institution presque, qui laisse beaucoup de place à l’expérimentation et ça me plaît énormément.»
Programme: www.lesdigitales.ch
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