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Suisse

Un «papa graben» se dessine

Le congé-paternité a plus d’adeptes chez les Romands, même à l’UDC. Explications d’un expert alémanique


 Ariane Gigon, Zurich

Ariane Gigon, Zurich

14 août 2020 à 04:01

Famille » Les divisions au sein de l’UDC, fer de lance de l’opposition au congé-paternité, sont connues. Dans le parti, les Romands y sont favorables et n’ont pas soutenu le référendum. Des votations précédentes telles que le congé-maternité (2004) ou l’article sur la famille (2013) avaient déjà montré un tel fossé. Explications de Markus Theunert, fondateur et secrétaire général de Männer.ch, dont le programme MenCare Suisse organise notamment des rencontres pour les futurs pères.

En Suisse romande, même l’UDC ne combat pas le congé-paternité de deux semaines. Y a-t-il un «papa graben» en Suisse?

Markus Theunert: Il n’y a pas de réponse simple à cette question. Nous savons, grâce à un sondage que nous avons effectué il y a deux ans, qu’il n’y a pratiquement pas de fossé entre les villes et les campagnes d’une part, entre régions linguistiques d’autre part. L’acceptation des interventions étatiques est traditionnellement plus grande en Romandie. En Suisse alémanique, le congé-paternité est considéré par certains comme un luxe privé et relevant de la liberté de choix individuelle. Alors que la Constitution prescrit que l’Etat doit encourager activement l’égalité entre les hommes et les femmes.

Il y avait eu un fossé linguistique pour le congé-maternité. Refuser le congé-paternité relève-t-il de la même logique, plus alémanique, de «femme au foyer»?

Je ne crois pas. Aujourd’hui, 82% des mères travaillent, même si ce n’est «qu»’à temps partiel. Le modèle traditionnel du père finançant la vie de famille s’est déjà modernisé dans toute la Suisse. Il est évident que la participation des mères à la vie professionnelle ne peut augmenter que si les pères s’engagent davantage à la maison ou si les couples investissent davantage dans la prise en charge extrafamiliale. A mes yeux, la résistance contre le congé-paternité est surtout une opposition contre une égalité réelle au sein de la famille. Les adversaires sentent que l’engagement paternel dans le domaine de la garde des enfants est décisif pour réaliser l’égalité.

En 2004, pour le congé-maternité, le fossé linguistique était très clair. Outre-Sarine, seuls les grands centres urbains (Bâle, Berne, Zurich) avaient dit oui…

Ce vote avait surtout révélé un fossé entre générations. Les aînés, y compris les femmes alémaniques, étaient opposés au congé-maternité parce qu’ils n’en avaient pas bénéficié et «pas eu besoin». La différence notable entre 2004 et 2020 est que les familles suisses se sont nucléarisées. Le clan familial féminin qui entourait la mère est beaucoup moins présent. Un seul des deux parents ne peut plus faire tourner l’économie familiale, seul, avec une activité rémunérée!

En 2013, après le rejet de l’article sur la famille par une majorité de cantons, certains avaient critiqué le fait que les partisans avaient été trop discrets. Un avertissement?

Nous prenons la votation du 27 septembre très au sérieux et mobilisons toutes les ressources disponibles. Mais la comparaison n’est pas complètement pertinente. La population sait ce qu’est un congé-paternité. La durée est définie. Les coûts sont connus. Il en allait autrement avant la votation sur l’article constitutionnel sur la famille.

Le fait que les grandes entreprises proposent déjà des solutions pour les pères n’est-il pas un signal pour tout le pays?

Leur exemple montre que le congé-paternité est devenu un critère de compétitivité économique, indépendamment du débat sur la place de la femme et de l’homme dans la société. Une haute école ou une entreprise ne parviendront plus, aujourd’hui, à engager un jeune doctorant norvégien si elles ne lui proposent pas un congé-paternité. Ce sont les PME et l’artisanat qu’il faut convaincre. Nous sommes optimistes: les PME profitent d’un congé-paternité car les coûts sont planifiables et leur compétitivité sera renforcée, par rapport aux grandes entreprises. Nous voyons du reste que la base, le tissu économique de la Suisse, est moins idéologique que leur association faîtière, l’Union suisse des arts et métiers.

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