Une neutralité qui sent le piège
Selon l’expert Pascal Boniface, la proposition faite par la Russie à l’Ukraine d’adopter un statut de neutralité est la meilleure assurance pour Moscou d’éviter l’admission de ce pays dans le Traité de l’Atlantique Nord (Otan)
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Pierre-André Sieber
17 mars 2022 à 02:01
Conflit » Proposer un statut de neutralité à l’Ukraine sur le modèle suédois ou autrichien? C’est la dernière offre faite par le Kremlin dans le cadre des négociations entre la Russie et l’Ukraine. Du côté ukrainien, le refus ne s’est pas fait attendre. Kiev demande des «garanties de sécurité absolues» face à la Russie tout en rejetant l’idée venue de Moscou. Le conflit s’enlise. Les explications de Pascal Boniface, directeur de l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS) et auteur de 50 idées reçues sur l’état du monde aux Editions Armand Colin.
Proposer que l’Ukraine devienne un pays neutre selon le modèle suédois ou autrichien: comment interpréter ce «compromis» proposé hier par les négociateurs russes à leurs homologues ukrainiens?
Pascal Boniface: Ce n’est pas un compromis. La Russie veut faire en sorte que l’Ukraine n’adhère pas à l’Otan: du coup si l’Ukraine proclame sa neutralité, elle ne pourra pas adhérer à cette organisation qui lui offrirait une couverture militaire. C’était l’objectif de la Russie. On peut penser que Volodymyr Zelensky a réfléchi en annonçant mardi soir qu’il ne voulait plus adhérer à l’Otan. Il voit très bien qu’il n’y sera jamais admis. Finalement, le président ukrainien ne perd pas grand-chose car aucun gouvernement ne veut lui accorder cette entrée. Cette dernière lui a été proposée en 2008 mais le président Zelensky a sans doute pensé qu’il ne peut pas faire ce cadeau à la Russie, sinon il donne raison à l’intervention de Vladimir Poutine. Ce dernier serait en quelque sorte récompensé pour avoir envahi l’Ukraine.
Assiste-t-on à une partie d’échecs très serrée au niveau diplomatique?
Oui. Cette voie diplomatique est nécessaire pour éviter une aggravation du conflit et pour peut-être en prévoir la fin. C’est bien par la diplomatie que l’on mettra fin à cette guerre. Ceux qui disent qu’il ne faut plus négocier avec Vladimir Poutine parce qu’il a violé le droit international se trompent. Il faut négocier avec l’adversaire. Maintenir le contact ne veut pas dire accepter toutes les conditions de Poutine mais voir à partir de quand on peut accepter certaines des conditions qui ne portent pas atteinte de manière grave à la souveraineté ukrainienne.
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