Six mois pour le cardinal Barbarin
Le prélat était devenu l’incarnation de la crise de l’Eglise de France face à la pédophilie. Il démissionne
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Benjamin Masse, Lyon
8 mars 2019 à 02:01
France » C’est sans nul doute une décision qui fera date dans l’histoire de l’Eglise de France. A l’issue d’un procès qui avait débuté le 7 janvier dernier, le Tribunal correctionnel de Lyon a condamné le cardinal Philippe Barbarin à six mois de prison avec sursis, pour ne pas avoir dénoncé les abus sexuels d’un prêtre de son diocèse, le Père Bernard Preynat.
La sanction est plus importante qu’attendu, puisque la procureure n’avait pas requis de peine à l’encontre du primat des Gaules, en conformité avec la décision initiale du Parquet de classer l’affaire. Le jugement est par ailleurs sans équivoque concernant la responsabilité de Philippe Barbarin dans cette affaire: «Alors même que ses fonctions lui donnaient accès à toutes les informations et qu’il avait la capacité de les analyser et de les communiquer utilement, Philippe Barbarin a fait le choix en conscience, pour préserver l’institution à laquelle il appartient, de ne pas les transmettre à la justice.»
La condamnation concerne des faits dénoncés au cardinal par Alexandre Hezez, une des victimes du Père Bernard Preynat, à l’époque où il était jeune scout à la paroisse de Saint-Foy-lès-Lyon. Soutenus par l’association de victimes La Parole libérée, huit hommes avaient également accusé le Père Bernard Preynat d’avoir abusé d’eux, entre 1986 et 1991. Ils avaient par la suite porté plainte contre ceux qui selon eux savaient, mais se sont tus face aux agissements du prêtre.
Alors qu’il aurait été informé de ces agissements au tournant des années 2010, le cardinal Barbarin l’a ainsi malgré tout maintenu au contact d’enfants jusqu’en 2015. «C’est un tournant dans le combat des victimes qui se sont tues pendant des années et vont pouvoir maintenant dire ce qui s’est passé, s’est félicité Yves Sauveyre, un des avocats des parties civiles. C’est aussi un tournant pour ceux qui abusent de leurs fonctions qui savent désormais qu’ils devront un jour ou l’autre rendre des comptes.»
«Pression» des médias
De son côté, l’avocat du cardinal, Me Jean-Félix Luciani, a indiqué que «la motivation du tribunal ne me convainc pas», qu’il «était difficile pour le tribunal de résister à une telle pression avec des documentaires, un film… Ça pose de vraies questions sur le respect de la justice.» «Le cardinal Barbarin est-il là à titre personnel ou comme l’incarnation de l’Eglise et d’une question sociétale? Est-il un moyen ou une fin?» a-t-il ajouté.
Démission annoncée
De son côté, le cardinal a organisé une brève conférence de presse à la mi-journée, dans laquelle il a déclaré «prendre acte de la décision du tribunal. Indépendamment de mon sort personnel, je tiens à redire toute ma compassion pour les victimes.» Il a par la suite indiqué son intention d’aller voir le Saint-Père pour lui remettre sa démission. «Il me recevra dans quelques jours.»
Le cardinal Barbarin devient ainsi le troisième évêque condamné dans l’Hexagone pour des faits similaires, après deux autres en 2001 et en 2008. Autant dire que la décision fera date pour l’Eglise de France, dont le primat des Gaules est une des figures les plus éminentes. Depuis le début de cette affaire, le cardinal était devenu l’incarnation de la crise de l’Eglise face à la pédophilie, un sujet qui vient de donner lieu à un sommet de la hiérarchie catholique au Vatican.
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