« Le siècle d’Emma » . la BD qui racontait l’Histoire suisse
L’article en ligne – BD » A l’occasion des 50 ans du droit de vote des femmes, « Le siècle d’Emma » constitue un magnifique regard sur l’histoire de ce combat.
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Nastasia Jeanneret
24 février 2021 à 19:10
Le 7 février passé, nous fêtions les 50 ans de l’introduction du droit de vote des femmes au niveau fédéral. L’occasion de découvrir ou de redécouvrir une magnifique BD suisse parue l’an dernier : « Le siècle d’Emma ».
Né de la collaboration entre l’ancien journaliste et historien Éric Burnand et l’autrice et illustratrice Fanny Vaucher, cet ouvrage est un saut parachuté dans un univers peu connu et pourtant si proche de nous : l’Histoire suisse du XXème siècle. A cheval entre fiction et faits historiques, il s’attache à raconter cette histoire récente à partir des récits de vie de quatre personnages : Emma, son frère Franz, son neveu Thomas, et sa petite-fille Véronique. Appartenant chacun à leur temps, ces quatre protagonistes sont attachants par l’émotion qu’ils dégagent et l’intensité de leurs combats, si différents les uns des autres mais tous chargés d’importants enjeux personnels et collectifs.
La question féminine en filigrane
Le récit débute en 1918 avec Emma, une jeune femme d’une vingtaine d’années vivant à Granges. Bien déterminée à devenir institutrice, elle défendra toute sa vie l’idée que les femmes devraient pouvoir s’exprimer sur la scène politique. Mais ce combat ne sera pas simple à mener, pas même au sein de sa famille. Elle sera en effet souvent confrontée à la réticence de ses proches ainsi qu’aux échecs politiques qui se succèderont, jusqu’à finalement aboutir à la victoire de 1971, il y a tout juste 50 ans.
Mais la lutte des femmes pour leurs droits et l’égalité avec les hommes ne s’arrêtera pas là, et c’est à travers le récit de Véronique, la petite-fille d’Emma, que les auteurs nous plongent dans le bouillonnement des années qui suivirent la votation. Dans l’émulation des mouvements de 1968, la jeune femme s’élancera dans de nombreux projets de protestation et de résistance, mais aussi d’expérimentation, comme par exemple la vie en communauté ou les relations libres.
Si elle constitue une forme de fil rouge, la thématique des droits des femmes n’est de loin pas la seule à être traitée par les auteurs. La question du rôle ambivalent de l’armée, ou celle de l’efficacité des socialistes pour amener des changements concrets à la population, sous-tendent entre autres le récit. Les autres événements marquants du XXème, tels que la grève générale de 1918, la montée du nazisme, l’arrivée massive de main-d’œuvre italienne dans les années 1950, ou encore les mouvements anti-nucléaires de 1975, sont aussi naturellement de la partie.
Toutefois, la manière de présenter ces événements diffère considérablement des descriptions historiques habituelles. En effet, la spécificité du « siècle d’Emma » réside en la capacité des auteurs à replacer l’ensemble de ces défis collectifs au niveau individuel. Ce recentrage sur le quotidien de personnages lambda est puissant, puisqu’il permet non seulement au lecteur de se projeter dans un vécu concret de ces grands épisodes historiques, mais aussi de mettre en lumière des éléments habituellement plus cachés, si ce n’est totalement absents de nos livres d’Histoire.
L’esthétique au service de l’information référencée
Une autre grande réussite de cet ouvrage repose sur l’équilibre trouvé par les auteurs entre la solidité de l’information historique et la liberté de la fiction. A aucun moment le récit ne se voit étouffé par un trop plein de renseignements. Car tout au long de ces 200 pages, les aventures poignantes des quatre protagonistes nous tiennent accrochés à leurs passionnantes destinées.
Et ce n’est pas pour autant que les faits concrets ne sont pas précisément donnés, bien au contraire. Par le biais de plusieurs procédés graphiques originaux, les auteurs ont en effet su parfaitement intégrer au récit des éléments historiques pointus et référencés. De cette lecture, force est de constater qu’art et science se marient finalement mieux qu’on ne le pense, et que chacun aurait beaucoup à gagner d’oser un pas vers l’autre.
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