La nourriture réinventée
Les start-up se multiplient pour exploiter de nouveaux filons – la Foodtech et l’Agritech – afin d’accroître la production agricole grâce à la technologie
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Yves Genier
19 septembre 2019 à 22:27
Innovation » Le mariage de l’agriculture et de la technologie s’est transformé en mine d’or pour les entrepreneurs inventifs et pour ceux qui les financent. Data, drones, procédés de vaporisation, images spectrales, traitements organiques et blockchain: tout est bon pour imprimer un nouvel élan à la production de nourriture, tout en préservant les ressources. Après une phase d’amorçage d’une demi-douzaine d’années, le phénomène est désormais dans une nouvelle phase d’accélération. "C’est une vraie révolution qui est en cours", affirme même Jordi Montserrat, directeur associé de VentureLab, une agence de soutien aux start-ups à l'EPFL.
Ce phénomène agrotechnologique est incarné par des noms étranges. Le premier, la Foodtech, mariage de food (nourriture) et technology, rassemble les secteurs de l’alimentation et de la restauration avec la technologie. Par exemple, en développant des procédés de fabrication écologiques, ou en distribuant des produits alimentaires bio par internet. Le second, l’Agritech, condensé d’«agriculture» et «technologie», réunit les entreprises qui appliquent la seconde à la première. Par exemple, par l’emploi de drones ou en suivant la traçabilité des intrants et extrants agricoles au moyen de la blockchain.
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Prise de conscience
«Ces six dernières années ont vu l’apparition de quelque 80 start-up dans ce domaine», explique Peter Braun, directeur du Swiss Food Research, un réseau de chercheurs rattachés aux écoles polytechniques, à Zurich. VentureLab en décompte 37, sans être exhaustif. «Parmi elles, une cinquantaine est née ces deux dernières années», poursuit-il. Comparé aux centaines de jeunes pousses apparues grâce à internet et qui s’activent dans l’intelligence artificielle ou dans la recherche médicale, la part de la Foodtech et de l’Agritech reste très modeste. Mais sa progression est importante. Et, surtout, elle s’accélère.
La recherche agroalimentaire n’est pas un phénomène nouveau, ni en Suisse ni ailleurs. Mais les jeunes pousses se nourrissent d’une «prise de conscience, par les consommateurs, de la qualité des produits qui arrivent dans leur assiette, ce qui les rend plus critiques», poursuit Peter Braun. De plus, elles s’appuient sur la «longue tradition de savoir-faire dans le domaine de la recherche», poursuit-il.
Idées de chercheurs
Certes, Foodtech et Agritech fleurissent dans plusieurs autres pays, en France notamment, du fait de l’importance de l’agriculture et de la grande tradition gastronomique de ce pays. «Mais la Suisse n’est pas en reste, c’est notamment le pays du chocolat!» s’exclame Stefan Kyora, de Startup Ticker, plateforme d’information pour jeunes entrepreneurs sponsorisée par Innosuisse, l’agence de soutien à l’innovation de la Confédération.
« La Suisse n’est qu’au premier stade du développement de ce secteur »
Stefan Kyora
De fait, les nouvelles entreprises sont fréquemment fondées par des chercheurs issus non seulement des EPF (notamment les Integrative Food and Nutrition Center à Lausanne, Institute of Food, Nutrition and Health à Zurich), mais aussi de centres de compétences tels les Agroscope, les centres de recherche privés tel celui de Nestlé à Vers-chez-les-Blanc au-dessus de Lausanne, etc. Et encore, cela ne concerne que le volet purement alimentaire et agricole.
Soutiens publics et privés
En plein démarrage, Foodtech et Agritech ne concentrent pas encore une grande part des investissements consacrés aux jeunes entreprises. En l’absence de statistiques, Peter Braun estime que ceux-ci totalisent un montant compris entre 150 et 200 millions de francs au cours de ces cinq dernières années. VentureLab a comptabilisé des investissements connus totalisant 17,8 millions de francs. Des montants modestes en comparaison des 1,2 milliard de francs levés par les seuls fonds de capital-risque au cours de 2018 seulement!
Mais les jeunes pousses de ce secteur jouissent de précieux appuis: les organes fédéraux (comme Innosuisse) et cantonaux, mais aussi certains acteurs privés. «Le fabricant de machines agroalimentaires Bühler est un investisseur très actif», souligne Stefan Kyora. Des fonds de capital-investissement s’intéressent aussi à ce secteur, quoique aucun organisme suisse n’existe à ce jour. Les principaux sont le français Capagro, le néerlandais Futurefood Fund ou encore Peakbridge, enregistré à Malte.
«La Suisse n’est qu’au premier stade du développement de ce secteur», conclut Stefan Kyora. Qui augure, néanmoins, de brillantes perspectives: «Sa croissance se situe entre 50 et 100% par an.» Le visage de la production alimentaire ne fait qu’amorcer une nouvelle révolution.
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