Michaël Perruchoud
28 février 2024 à 02:05
Un ami tentait de me décrire sa mère: «C’est le genre de personne qui, quand elle trébuche en allant à la guillotine, demande pardon au bourreau!» Si j’ai ri, c’est parce que j’ai pensé à la mienne.
Céder sa place dans le bus, comme au supermarché, demander: «A quel étage allez-vous?» quitte à rallonger son trajet d’ascenseur, cumuler les «bonjour», les «au revoir», les «de rien», les «pensez-vous» et les «ça ne me dérange pas»… Aucun doute, ma mère est experte multidiplômée en courtoisie appliquée. Jamais un mot plus haut que l’autre, même quand d’infâmes importuns tournent le dos et qu’il serait facile de grommeler ce que l’on pense d’eux en toute discrétion.
C’est ainsi. Ma mère n’a pas d’insultes dans sa besace, dirait-on, et c’est peut-être ce qui la rend légère. Je ne peux que le supposer, moi qui pèse le poids de mes gros mots. J’ai pourtant, dès la prime enfance, dit bonjour à la dame et au concierge, j’étais d’une politesse exquise chez le boucher et au kiosque où j’allais chercher mon Journal de Mickey hebdomadaire. Mais les années ont changé la donne. Mon sourire a fait place à un rictus rebelle, mes circonvolutions dans les élégances verbales à des invectives qu’on ne peut guère qualifier de «recherchées».
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