Serge Gumy
28 septembre 2016 à 11:45
Éditorial » Tamedia était historiquement un groupe de presse, c’est désormais un géant suisse de la communication maîtrisant comme personne la novlangue financière. «Valorisation du contenu et consolidation du positionnement régional»: derrière cet écran de fumée et ce paravent d’euphémismes, l’éditeur zurichois a annoncé hier une cure drastique au sein des rédactions de 24 heures et de la Tribune de Genève. Vingtquatre licenciements, 31 personnes renvoyées au total, et une atteinte sévère aux contenus: le coup porté ébranle non seulement les deux titres concernés, mais aussi l’entier de la presse régionale romande.
Bien sûr, la forte baisse des recettes publicitaires commande de réduire les coûts des journaux du groupe.
Mais pourquoi seulement les régionaux romands? Tamedia possède par ailleurs une envergure qui lui permettrait de financer la transition du papier vers le numérique, dans l’attente d’un modèle économique restant à trouver. Sauf que ses dirigeants ont sommé leurs titres de se débrouiller tout seuls. Pas question de les faire profiter de la manne engrangée par les sites de petites annonces qui, il y a peu encore, contribuaient à faire vivre la presse.
Tamedia voudrait laisser crever ses journaux qu’il ne s’y prendrait pas autrement.
Avec cynisme, le groupe prétend pourtant, via les mesures annoncées, viser une «information mieux hiérarchisée et de haute qualité». Le raisonnement confine à l’absurde: car dans 24 heures et la Tribune, il y aura à l’avenir moins de pages, donc moins à lire, et probablement moins de lecteurs. Quant à la haute qualité promise, ce n’est pas en supprimant des postes de journalistes qu’on l’atteindra. Tamedia avait déjà contribué à propager l’idée – fausse – que l’information est gratuite. Il inflige aujourd’hui une saignée à deux titres à la santé déclinante. Avec un tel médecin, on peut craindre pour leur survie.
>> Le débat de l'émission «Forum» de la RTS sur l'avenir de la presse romande, avec Serge Gumy:
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