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Religions

Un voyage interreligieux pour la paix

Un groupe de pèlerins est parti à la découverte de la diversité des sociétés israélienne et palestinienne

Initiative originale en faveur de la paix, ce voyage «interconvictionnel» en Terre sainte était animé, côté catholique, par Monseigneur Michel Dubost et Frère Louis-Marie Coudray, par le rabbin Yann Boissière, organisateur de l’événement, et par le musulman Foudil Benabadji (de g. à dr).

 Catherine Dupeyron, Jérusalem

Catherine Dupeyron, Jérusalem

25 juin 2022 à 04:01

Terre sainte » Le Dôme du Rocher, recouvert d’or, scintille sous les rayons du soleil. En ce samedi matin, Anne-Marie, Foudil, Véronique, Jacqueline, Monseigneur Michel Dubost et les autres, réunis sur la Promenade Haas, au sud de Jérusalem, admirent la cité antique qui s’éveille. Ils suivent l’office de shabbat, puis lisent un psaume et une sourate – les non-croyants profitent juste de la magie de l’instant. Si un tel moment de prière ou de recueillement était proposé presque tous les matins de ce voyage organisé par l’association française Les Voix de la Paix, du 13 au 21 juin, celui-ci fut le plus intense.

«L’objectif de ce séjour est d’aller au-delà de l’interreligieux, car la foi peut être clivante», souligne Yann Boissière, rabbin du Mouvement juif libéral de France, concepteur de ce circuit cousu main en Israël et dans les Territoires palestiniens. Bien qu’initié par un rabbin et accompagné par un référent chrétien et un référent musulman, il ne s’agissait pas de faire un pèlerinage, mais d’aller à la rencontre des sociétés civiles dans leur diversité. De Ramallah à Jérusalem en passant par Bethléem, Tel Aviv, Jéricho ou Ra’anana, le groupe, composé de 63 personnes juives, chrétiennes, musulmanes et athées, a pu de part et d’autre s’entretenir avec des startupers, écologistes, diplomates, historiens, militants engagés pour ou contre la création d’un Etat palestinien en Cisjordanie.

Rétablir le dialogue

Fondateur et président des Voix de la Paix après les attentats de 2015 à Paris, Yann Boissière précise que «ce voyage est en adéquation avec le travail pédagogique interconvictionnel que nous faisons en France pour rétablir le dialogue. L’importation du conflit israélo-palestinien est forte dans notre société. Or, tout conflit commence par un conflit de représentation. Nous n’avons pas le pouvoir d’agir sur ce conflit, mais nous pouvons agir sur ces représentations en témoignant de ce que nous avons vécu pendant ce voyage.»

A son retour, Irène racontera la rencontre avec Khaled Abou Awwad, l’un des membres fondateurs de l’association Shorashim («racines» en hébreu), qui œuvre pour des actions communes entre Israéliens et Palestiniens. «Longtemps, il a été enfermé dans sa douleur, deux de ses frères ayant été tués par l’armée israélienne, explique-t-elle. Mais, un jour, une petite fille israélienne de 13 ans a été tuée par des Palestiniens. Ce jour-là, il a pris conscience que le drame touchait tout le monde et que les Palestiniens avaient aussi une part de responsabilité.»

Que deux musulmans

Si le voyage s’est parfaitement déroulé, Yann Boissière a un regret, partagé par plusieurs participants: le groupe ne comptait que deux musulmans. Ce n’est pas faute d’avoir multiplié les contacts avec des personnalités musulmanes, pour qu’elles fassent connaître l’existence de ce voyage. Pire, celui qui, depuis plus de deux ans, s’était engagé pour être le référent musulman du voyage, s’est dédit quatre jours avant le départ. Yann Boissière ne cache pas sa déception, voire sa colère à son encontre, mais aussi à l’égard «des institutions représentatives musulmanes françaises qui, pourtant, revendiquent un islam des lumières». Pour beaucoup, Israël reste donc un sujet tabou.

Or, ce voyage était justement destiné à faire évoluer les perceptions. C’est d’ailleurs exactement ce qui s’est passé pour Foudil Benabadji. Né en Algérie, cet ancien éducateur en milieu carcéral français, engagé depuis longtemps dans le dialogue interreligieux au sein de la Fraternité d’Abraham, a découvert une réalité qu’il ne soupçonnait pas, notamment à Ramallah, où siège l’Autorité palestinienne. «Je pensais que c’était une ville très pauvre, avec une forte présence de l’armée israélienne. Or, elle est plutôt riche et sans aucun soldat israélien dans les rues», précise-t-il. Initialement simple participant, Foudil s’est finalement retrouvé au cœur de ce voyage car il a accepté, au pied levé, d’en être le référent musulman.

Liberté de parole

Quant au référent chrétien, le frère Louis-Marie, responsable de la communauté bénédictine d’Abou Gosh, à une quinzaine de kilomètres de Jérusalem, habitué à accueillir des groupes en visite en Terre sainte, il souligne la particularité de celui-ci: «En général, même dans un pèlerinage interreligieux, les gens s’identifient par leur confession. Mais, là, il était impossible de savoir qui était juif, chrétien, musulman ou athée. Cela a permis une liberté totale de parole. C’est très rare!»

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