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Suisse

Un œil sur les torrents qui débordent

Système d’alarme, travaux préventifs, cartes des dangers: la Suisse anticipe les catastrophes naturelles


 Sevan Pearson

Sevan Pearson

8 mars 2019 à 22:55

Réchauffement climatique » A Bondo (GR), SOS pourrait se traduire OWARNA. En août 2017, c’est ce système, dont les mesures ont été adoptées entre 2014 et 2016, qui a permis de limiter la dévastation provoquée par une lave torrentielle. «Sitôt que ce mélange d’eau et d’éboulis composés de roches, de boue et d’arbres de 3,1 millions de mètres cubes s’est engouffré dans la vallée surplombant le village, l’alarme s’est déclenchée. Nous avons alors évacué les gens», témoigne Anna Giacometti, présidente de la commune.

Mis sur pied à la suite des crues de l’été 2005, le système d’optimalisation et de transmission d’alerte OWARNA en cas de dangers naturels rend de fiers services. Des services qu’une commission du national veut développer. A l’heure du réchauffement climatique, protéger la population des dangers naturels en collaboration avec les cantons et les communes devient une priorité qui mériterait un investissement supplémentaire de 1,7 million de francs par an. De quoi créer dix nouveaux postes. Le Conseil national devrait se prononcer lundi.

Des cartes de danger

Face au risque de catastrophes, la Confédération ne s’est pas contentée de mettre sur pied le système d’alerte OWARNA. Elle a également demandé aux cantons d’établir des cartes précises des zones de dangers naturels. C’est sur cette base que la commune de Bondo (GR) a construit un bassin de rétention d’une capacité de 200’000 m3 avant la catastrophe de 2017. «Depuis, nous avons augmenté son volume et la zone de l’éboulement est sous étroite surveillance», indique Anna Giacometti.

Une année plus tard, c’est Chamoson (VS) qui échappe au pire grâce aux mesures prises sur le terrain. En août 2018, un orage localisé et très violent y provoque une lave torrentielle. «Nous avons lancé la première phase des travaux entre 2008 et 2012 en construisant des digues et en agrandissant le lit du cours d’eau à travers le village», note Johan Mabillard, responsable du service technique de la commune. «La 3e et dernière étape des travaux vient de débuter.» La Confédération et le canton subventionnent le projet de 5 millions à hauteur de 65%. «Cette aide financière est très précieuse pour les communes», salue le Valaisan. Malgré l’ampleur de la lave torrentielle, aucune victime n’est à déplorer dans le cas de Chamoson, grâce aux travaux préventifs effectués le long du cours d’eau.

Le cas est similaire à Champéry (VS), village touché lui aussi par une inondation en janvier 2018. Au moment de la catastrophe, quatre des cinq torrents représentant un risque pour le village avaient été sécurisés.

«Des travaux étaient prévus pour le 5e cours d’eau, mais la crue nous a devancés», déplore Luc Fellay, président de la commune. «Ce genre de mesures prennent du temps: expropriations, construction de murs, agrandissement du lit, rehaussement des ponts et création d’un dépotoir.» Ce dernier a pour but d’accumuler le matériel charrié par le cours d’eau en crue et d’empêcher qu’il atteigne les zones habitées.

La Suisse pionnière

Même s’il est toujours délicat d’imputer une catastrophe naturelle au réchauffement climatique, certains indices montrent un lien entre eux, comme à Chamoson et à Champéry. «On constate des périodes de sécheresse alternant avec des précipitations très intenses», observe Martine Rebetez, professeure de climatologie à l’Université de Neuchâtel et à l’Institut fédéral de recherches sur la forêt, la neige et le paysage (WSL). «Il pleut à des altitudes de plus en plus élevées, ce qui accroît le risque d’inondations.»

La région alpine étant aux premières loges du réchauffement climatique – deux fois plus marqué que dans le reste du monde –, la Confédération est le premier pays à avoir mis sur pied une plateforme nationale «Dangers naturels» (Planat) en 1997. Ce dispositif vient compléter les cartes de zones de danger et le système d’alerte OWARNA. Ainsi, Berne émet les lignes directrices dans la prévention. Il incombe ensuite à l’Office fédéral de l’environnement (OFEV) de les mettre en œuvre en collaboration avec les cantons et les communes.

Mais pour Martine Rebetez, la meilleure mesure contre les catastrophes naturelles liées au réchauffement climatique reste la diminution des gaz à effet de serre. «Nous sommes très en retard. Notre pays est observé de l’étranger et aurait au contraire les moyens d’être à l’avant-garde», tonne la professeure en climatologie. «Les actions entreprises par la Suisse sont des alibis. Au rythme actuel, la température pourrait s’élever de plus de 7° C chez nous d’ici à 2100, par rapport au XIXe siècle, avertit-elle. Réduire les gaz à effet de serre coûte pourtant moins cher que de s’adapter au réchauffement.»

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