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Suisse

Punir l’homophobie?

L’exemple de la norme pénale antiraciste montre ce que son extension changerait pour les homosexuels


 Christiane Imsand

Christiane Imsand

12 janvier 2020 à 22:15

Discriminations » Afficher son homosexualité reste un risque. Un jeune couple gay en a fait l’expérience lors de la nuit de Nouvel-An dans la vieille ville de Zurich. Agressés par quatre inconnus à la sortie d’un bar, les deux hommes ont été blessés au visage. La police a été alertée, mais les agresseurs courent toujours.

Chacun tire des conclusions différentes de cette affaire. Les adversaires de l’extension à l’homophobie de la norme pénale contre le racisme ne manquent pas de souligner que le droit actuel permet déjà de poursuivre les auteurs d’une telle agression. «Les délits violents sont de toute manière sanctionnés par le droit pénal», souligne le conseiller national UDC Roger Köppel via le service de presse du parti. «Il en va de même des insultes et des injures.»

Ce n’est cependant qu’une partie de la vérité. «Avec la réforme, l’appel à la haine sera un facteur aggravant», indique Mathias Erhardt, coprésident de la Fédération genevoise des associations LGBTI+ (lesbiennes, gays, bis, transgenres et intersexes, ndlr). «Cela pourrait inciter les victimes à s’adresser plus facilement à la justice.»

«Avec la réforme, l’appel à la haine sera un facteur aggravant»
Mathias Erhardt

Quant aux insultes et calomnies visant les minorités sexuelles, elles ne sont condamnables aujourd’hui que si elles visent une personne en particulier. En Revanche, quelqu’un qui déclarerait publiquement par exemple que tous les homosexuels sont des pédophiles ne serait pas condamnable. «De telles calomnies ont un impact très négatif sur le climat social, affirme Matthias Erhardt. Elles constituent un terreau favorable aux agressions. C’est pourquoi ces incitations à la haine doivent être pénalisées comme c’est déjà le cas en ce qui concerne les personnes et les groupes de personnes attaqués en raison de leur appartenance raciale, ethnique ou religieuse.»

La norme pénale actuelle (article 261 bis) est en vigueur depuis 1995. Elle avait été approuvée par 54,6% des suffrages l’année précédente. Depuis lors, le soutien a augmenté. Selon l’enquête Vivre ensemble publiée en 2018 par l’Office fédéral de la statistique, 59% des personnes interrogées considèrent le racisme comme un problème social important.

L’effet pas mesurable

Pour Martine Brunschwig Graf, présidente de la Commission fédérale contre le racisme (CFR), cette norme n’a pas résolu tous les problèmes. «C’est un garde-fou qui indique la limite à ne pas franchir. Son effet n’est pas mesurable, mais il est important que le discours de haine et de rejet soit pénalisé car il touche des personnes particulièrement exposées. C’est aussi le cas des membres de la communauté LGBTI+. C’est pourquoi la CFR soutient l’extension de la norme pénale contre le racisme aux discriminations en raison de l’orientation sexuelle.»

Selon la statistique figurant sur le site de la CFR, la norme actuelle a entraîné entre 20 et 40 condamnations par an en moyenne. «Elle a été appliquée avec modération, souligne la présidente. La justice fait toujours une pesée d’intérêts dans laquelle la liberté d’expression est largement prise en compte.»

Davantage de données

Si le comité référendaire mené par l’Union démocratique fédérale (UDF) n’obtient pas gain de cause le 9 février, une statistique séparée sera tenue pour les cas relatifs à l’orientation sexuelle. Les milieux LGBTI+ souhaitent cependant une recension plus complète allant au-delà des cas tombant sous le coup de l’article 261 bis du Code pénal. Il faudrait selon eux que chaque affaire traitée par la police soit enregistrée avec un code spécifiant le motif de l’acte.

Des motions ou postulats en ce sens ont été acceptés dans les cantons de Genève, du Valais et de Fribourg. En revanche, le Grand Conseil jurassien s’est opposé à une telle mesure. Des interventions similaires sont encore pendantes dans les cantons de Vaud, Neuchâtel et Berne. Le Parlement fédéral n’est pas en reste. Le Conseil national a accepté en septembre dernier une motion de Rosmarie Quadranti (pbd, ZH) demandant la recension systématique des crimes haineux fondés sur l’orientation sexuelle. Le Conseil des Etats doit encore se prononcer.

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