Poids lourds en déroute au Parlement
A l’instar de Filippo Lombardi dimanche, nombre de vieux briscards de la politique n’ont pas été réélus
Partager
Philippe Castella
18 novembre 2019 à 23:05
Elections » La non-réélection de Filippo Lombardi ce dimanche a fait l’effet d’un séisme politique au Tessin. Chef du groupe PDC, ce vrai poids lourd disparaît de la scène politique après vingt ans de présence au Conseil des Etats. Son nom vient s’ajouter à la longue liste des vieux parlementaires qui n’ont pas été réélus, aux côtés des Jean-François Rime (UDC/FR), Hugues Hiltpold (PLR/GE), Maximilian Reimann (UDC/AG) ou Luzi Stamm (UDC/AG). Manifestement, il ne faisait pas bon être un homme aux tempes grises si l’on visait une réélection cet automne.
Les femmes ont, elles, davantage été épargnées. Sur les 31 parlementaires non-réélus, seuls quatre sont des femmes. Et une seule siège depuis plus de huit ans: la Zurichoise Kathy Riklin. Mais il faut dire que la démocrate-chrétienne, après vingt années de présence au National, avait été reléguée par son parti cantonal sur une liste annexe. Le même scénario s’est d’ailleurs produit au sein de l’UDC argovienne avec Maximilian Reimann et Luzi Stamm. Ces trois «Sesselkleber» – nom que les Alémaniques donnent aux élus qui s’accrochent à leur siège – sont donc fort logiquement passés à la trappe.
Un contre-exemple absolu
Faut-il dès lors parler d’une vague dégagiste qui aurait déferlé aux côtés de la vague verte et de la vague violette? Les avis à ce sujet sont plutôt nuancés. Dominique de Buman (PDC/FR), qui s’en va après quatre législatures, limite fixée par son parti cantonal, livre cette analyse: «Je ne conteste pas qu’il y a une soif de renouveau, mais ce n’est pas une soif inextinguible. Il y a tout de même de vieux parlementaires qui ont été réélus, comme ce week-end Hans Stöckli, à Berne, et Paul Rechsteiner, à Saint-Gall.»
Ce dernier fait d’ailleurs figure de contre-exemple absolu. Le socialiste siège en effet à Berne depuis 1983, soit trente-six ans, d’abord au Conseil national, puis aux Etats depuis 2011. Son siège était de plus fort contesté. Les libéraux-radicaux rêvaient de le lui piquer, après avoir dû céder le leur l’an dernier au PDC, conséquence désagréable de l’élection de Karin Keller-Sutter au Conseil fédéral.
Autre ancien de ce parlement, Daniel Brélaz (Verts/VD), y siège, avec de longues coupures certes, depuis… 1979. A-t-il un secret de longévité à nous dévoiler? «Moi, je suis dans un parti qui gagne des sièges, ça aide beaucoup», confie-t-il. Tous les élus verts et vert’libéraux ont en effet été réélus. «La plupart des anciens qui n’ont pas été réélus sont victimes d’une perte de siège par leur parti. Cela a notamment été le cas de Jean-François Rime à Fribourg», développe le Vaudois.
Le zapping électoral
Au Conseil des Etats, les trois non-réélus ont été victimes d’une des deux vagues: la vague verte pour l’udc Werner Hösli (GL) avec l’élection de Mathias Zopfi, la vague violette pour les démocrates-chrétiens Beat Vonlanthen (FR) et Filippo Lombardi, avec les élections de Johanna Gapany (PLR) et Marina Carobbio Guscetti (PS).
Louis Perron dresse, lui, cette analyse: «Ce qui a changé, c’est qu’il faut se battre. On n’arrive plus à être réélu en empruntant le wagon-lits.» Ce politologue et conseiller politique constate que beaucoup de battus ont sous-estimé la campagne: «L’importance de l’expérience a beaucoup changé. Il n’y a plus rien d’acquis. Il faut se battre, innover, être présent sur le terrain. Et c’est plutôt une bonne chose.» Il cite en exemple Hans Stöckli (PS) à Berne et Ruedi Noser (PLR) à Zurich, deux vieux briscards de la politique réélus ce dimanche, mais après s’être battus comme des lions, comme s’il s’agissait de leur première campagne.
Dominique de Buman abonde: «Il y a beaucoup moins de fidélité de l’électorat. Les gens zappent facilement aujourd’hui.» Autrement dit, chaque élection s’annonce comme une reconquête. Une leçon que les nouveaux élus feraient bien de retenir, avant d’être engloutis à leur tour par la prochaine vague qui déferlera dans quatre ans.
Ce contenu provient de notre ancien site web. Il est possible que sa mise en page ne soit pas idéale. En savoir plus