Pirouette

Simonetta Sommaruga aurait pu faire une grande championne de patinage artistique. En présentant vendredi la stratégie du Conseil fédéral pour sortir de l’impasse dans laquelle l’initiative «Contre l’immigration de masse» a plongé la Suisse, la ministre en charge de l’immigration a fait étalage de son sens de l’arabesque et de son élasticité.

Qu’il faut avoir l’échine souple, en effet, pour proposer au parlement d’étendre la libre circulation des personnes à la Croatie! Il y a deux ans, le Conseil fédéral estimait une telle extension incompatible avec la volonté du peuple de limiter l’immigration. Il a changé de discours, dans le but évident, parfaitement défendable par ailleurs, de réintégrer durablement les scientifiques suisses au programme de recherche européen Horizon 2020. Au risque de relativiser par là le vote du 9 février 2014.

Non seulement le gouvernement se contredit, mais il a aussi dû revoir ses prétentions à la baisse vis-à-vis de Bruxelles. Voilà qui illustre le rapport de forces actuel entre les deux partenaires. En position de faiblesse, le Conseil fédéral se félicite que le dialogue se poursuive. Mais fait-il mine de ne pas entendre? L’Union européenne ne veut pas de quotas d’étrangers, et la clause de sauvegarde unilatérale que le gouvernement s’obstine à présenter en guise de plan B - sans trop y croire - est mort-née.

Et si son plan A, à savoir une «solution consensuelle», aboutit, le Conseil fédéral ne doit pas se faire d’illusions: dans les concessions faites par la Commission européenne à David Cameron pour éviter un Brexit lors du référendum du 23 juin prochain, il n’est pas fait mention de la préférence nationale ni de plafond chiffré à l’immigration que réclame l’initiative UDC. On doute dès lors que la petite Suisse obtienne plus que le Royaume-Uni. Dans ces conditions, la «pirouette Bielmann» esquissée vendredi par Simonetta Sommaruga est aussi élégante qu’inutile. Elle trahit juste à quel point le Conseil fédéral patine. Et prouve que depuis deux ans, il tourne en rond.