Livia leu sur le départ
La secrétaire d’Etat et cheffe des négociations avec l’UE s’en va comme ambassadrice à Berlin
Partager
Philippe Castella Et Guillaume Chillier
11 mai 2023 à 04:01
Diplomatie » Le communiqué officiel diffusé hier parle de nomination comme ambassadrice à Berlin, une «mission stratégique et diplomatique de premier plan». Mais personne n’est dupe. On retiendra surtout que Livia Leu quitte son poste de secrétaire d’Etat et de négociatrice en chef avec l’Union européenne (UE). Et cela à un moment particulièrement sensible, alors que le Conseil fédéral devrait adopter tout prochainement, d’ici l’été, son mandat de négociation. Elle restera toutefois en place jusqu’à fin août.
«Le poste de secrétaire d’Etat a été longtemps perçu comme l’aboutissement d’une carrière diplomatique», analyse le socialiste genevois Carlo Sommaruga. «Ce n’est plus le cas aujourd’hui et on y constate un roulement comme dans les autres postes diplomatiques.»
«Un choix personnel»
La Grisonne avait quitté son poste d’ambassadrice à Paris il y a trois ans pour tenter de donner un nouveau souffle aux négociations autour de l’accord-cadre institutionnel avec Bruxelles. Elle aura finalement dû accompagner leur abandon puis tenter de renouer le dialogue en pilotant les discussions exploratoires en cours.
Livia Leu a-t-elle été poussée vers la sortie? «Pas du tout. C’est un choix personnel de partir encore une fois à l’étranger», a-t-elle confié, lors d’un point-presse. La diplomate ne pense pas que son départ va prétériter les discussions en cours: «Le moment est bien choisi, car nous sommes à la fin de la phase des discussions exploratoires.»
Elle part avec le sentiment de la mission accomplie: «Après la fin des négociations sur un accord institutionnel, il y a eu un moment un peu creux dans les relations avec Bruxelles. Mais entre-temps, nous avons réussi à rétablir le dialogue. Et nous avons maintenant un nouveau paquet qui est la base possible de nouvelles négociations. C’est une consolidation et une extension de la voie bilatérale.»
Une fenêtre de départ
Laurent Wehrli est d’accord avec elle pour ce qui est de la fenêtre de départ: «Cela aurait été pire si elle était partie à la fin de l’année ou l’an prochain, en cours de négociations», commente-t-il. «Cela dit, c’est une perte parce qu’elle connaît les personnes en place à Bruxelles. Et des négociations, c’est aussi une affaire de relations humaines», estime le libéral-radical vaudois.
Pour la centriste Isabelle Chassot, il aurait été préférable toutefois que son départ soit annoncé après l’adoption du mandat de négociation: «Nous sommes dans une phase cruciale. Livia Leu va se rendre le 30 mai à Bruxelles avec l’étiquette de secrétaire d’Etat en partance. Il est assez rare qu’une personne dont on annonce le départ puisse jouer un rôle déterminant.»
Sur le fond toutefois, la sénatrice fribourgeoise n’est «pas surprise par son départ. On voyait que la collaboration avec le chef de département était difficile.» Livia Leu décrit sa relation avec Ignazio Cassis en termes bien plus… diplomatiques, mais ne dit guère autre chose entre les lignes: «Nous avons une bonne coopération. Notre relation est marquée de respect et de compréhension mutuels.»
Ce n’est pas le grand amour avec le parlement non plus: «Livia Leu s’est beaucoup usée dans ses relations avec les parlementaires», confie Carlo Sommaruga. «Il est peut-être bon qu’arrive une nouvelle personnalité avec une capacité de communication plus efficace et qui puisse amener un nouveau souffle.»
Une question de courage
Qui répond à ce profil? Ambassadrice auprès de l’Union européenne à Bruxelles, Rita Adam a l’avantage d’être déjà dans la maison et de connaître tout le monde à Bruxelles. Autre nom qui émerge, celui du Fribourgeois Alexandre Fasel. Isabelle Chassot, dont c’est un proche, tresse ses louanges: «J’espère que c’est une possibilité. Nous avons là quelqu’un qui connaît extrêmement bien le dossier européen, notamment pour avoir accompagné tout le processus du Brexit en tant qu’ambassadeur à Londres. Et un homme qui est un excellent communicateur en suisse allemand et en français.»
Le Fribourgeois ne semble toutefois pas être dans les petits papiers d’Ignazio Cassis et son poste actuel d’ambassadeur pour la diplomatie scientifique à Genève est décrit par certains observateurs comme un placard doré.
Pour Isabelle Chassot toutefois, «un accord ne dépend pas que du nouveau négociateur, mais aussi de la volonté politique et du courage du Conseil fédéral.» Or aux yeux de sa collègue sénatrice Céline Vara (verts, NE), c’est là que le bât blesse. «On sent peu d’enthousiasme de la part du Conseil fédéral quand bien même il y a de fortes pressions de toutes parts pour faire avancer ce dossier.»
Ce contenu provient de notre ancien site web. Il est possible que sa mise en page ne soit pas idéale. En savoir plus