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Les votations fédérales du 13 février 2022

Le niet du peuple à un cadeau fiscal

Les Suisses ont refusé hier à une large majorité la suppression du droit de timbre d’émission


 Philippe Castella

Philippe Castella

14 février 2022 à 02:01

Fiscalité » Une petite tache verte au milieu d’un océan rouge. Seul le riche canton de Zoug a dit oui à la suppression du droit de timbre d’émission. La carte de la Suisse qui en ressort a valeur de symbole. Cela permet à Samuel Bendahan d’ironiser: «Les Suisses sont prêts à tous les sacrifices pour le bien commun. Et là, le message véhiculé par la droite, c’était de faire tous des sacrifices pour que seul Zoug en profite. Ce n’est pas ça la Suisse.»

Le socialiste vaudois affichait un large sourire hier. Il faut dire que la victoire de la gauche est importante dans la perspective des prochaines échéances en matière de réformes fiscales. Et son ampleur surprend. Alors que la réforme était soutenue par toute la droite, celle-ci obtient un résultat inversement proportionnel à sa force électorale (62,7% de non).

Réforme estampillée PLR

Cette révision portait la marque du PLR et pour celui qui vend l’étiquette de parti de l’économie, la défaite est particulièrement amère. «Nous sommes passés à côté d’une opportunité pour les entreprises qui optent pour un financement avec des fonds propres», reconnaît sa vice-présidente Johanna Gapany. «C’est un sujet très technique et la campagne aurait mérité des efforts plus conséquents dans chaque canton», avance la sénatrice fribourgeoise en guise d’explication.

«Le peuple suisse n’aime pas trop les hausses d’impôts, mais il émet des réserves aussi quand il s’agit de les baisser», constate son collègue de parti Olivier Feller. «C’est une source de préoccupation dans la mesure où il y a d’autres réformes fiscales qui vont être soumises en votation populaire», admet-il.

Il songe là à la suppression de l’impôt anticipé, déjà actée par le parlement, et contre laquelle la gauche a également lancé un référendum. Aussi à la nouvelle réforme générale de la fiscalité des entreprises, sous la pression de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques), qui vise à fixer un taux minimal de 15%. Aux yeux du Vaudois, la donne a changé avec la crise sanitaire: «Cela a contribué à rendre le débat politique plus rugueux et la recherche d’un consensus n’en est que plus difficile.»

De son côté, en rusé ministre des Finances, Ueli Maurer s’est empressé de prendre ses distances avec cette défaite: «Cette révision venait d’une initiative parlementaire. Le Conseil fédéral l’a certes soutenue, mais elle n’émanait pas de sa cuisine.» Le conseiller fédéral UDC a tout de même confessé sa déception: «Ce résultat, ce n’est pas le drame absolu, mais ce n’est pas un bon signal. Ces dernières années, la place économique suisse a perdu en attractivité.» Et sa crainte, c’est que le phénomène n’empire avec ce taux minimal de 15% pour l’imposition des entreprises auquel la Suisse ne pourra se soustraire et qui va signifier des hausses d’impôts dans la plupart des cantons.

«Echec du saucissonnage»

A gauche, on savoure la victoire: «Le saucissonnage pratiqué par la droite en matière de baisses d’impôts a échoué», se réjouit le vert Gerhard Andrey. «Une bonne place économique ne repose pas sur des cadeaux fiscaux – je le dis aussi en tant qu’entrepreneur – mais sur une main-d’œuvre bien formée, de bonnes infrastructures et un Etat de droit fiable. Des choses que nous ne pouvons financer qu’avec de tels impôts.»

Pour le Fribourgeois, il faut mettre fin à cette race to the bottom (course vers le bas) en matière fiscale et plutôt s’atteler aux deux grands défis qui nous attendent et qui vont réclamer d’importantes ressources, le financement de la prévoyance-vieillesse et la lutte contre le réchauffement climatique.

«Beaucoup pensaient qu’on allait gagner, mais l’ampleur du score est très impressionnante», apprécie Samuel Bendahan. Le vice-président du PS se frotte les mains dans la perspective des combats à venir: «Comme la réforme de l’impôt anticipé est bien pire, c’est de bon augure pour nous. Elle coûterait au moins trois fois plus cher et tout cela au bénéfice d’oligarques étrangers et de gens qui fraudent le fisc.»

Le Vaudois espère aussi que cette large victoire servira les desseins de la gauche dans la perspective des débats parlementaires à venir sur les compensations liées au taux minimal de 15% pour les entreprises. «Soit la droite travaille avec nous et on trouve des compromis. Soit elle joue l’arrogance et le peuple dira non.»

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