Il faudrait un «chef d’orchestre»
Les cantons font leur autocritique sur la gestion de la pandémie. Et veulent davantage de centralisme
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Ariane Gigon, Zurich
7 mai 2022 à 04:01
Coronavirus » Les bilans de la gestion de la pandémie – qui est toujours en cours, rappelle chaque jour l’Organisation mondiale de la santé (OMS) – se suivent en Suisse. Hier, ce sont les cantons qui ont présenté leur évaluation, à Zurich. Selon eux, la Confédération devrait davantage prendre les rênes en main en cas d’urgence. Deux scientifiques vont dans le même sens. Et tous s’accordent à dire que c’est à tout type de crise – climatique, informatique ou énergétique – qu’il faut, rapidement, se préparer.
Bilan après bilan, les responsables politiques commencent toujours par rappeler que «si l’on considère l’ensemble des conséquences, la Suisse s’en est plutôt bien sortie». C’était aussi hier l’introduction de la Conférence des gouvernements cantonaux (CdC). Le ministre zurichois des Finances Ernst Stocker a même tenu à souligner que «les médias avaient trop cherché les défauts du fédéralisme, au lieu d’analyser ses bienfaits: lorsqu’un conseiller d’Etat uranais et son collègue zurichois se parlent, ils couvrent deux réalités sociales opposées, c’est comme ça que l’on peut tenir compte de tout le monde et trouver des solutions», a-t-il déclaré.
Au nom des ministres de la Santé, le Bâlois Lukas Engelberger, qui préside leur conférence, a été plus critique. Selon lui, un manque de clarté sur le moment où des solutions fédérales, et non plus cantonales, doivent s’imposer «a eu pour triste résultat que beaucoup de personnes sont tombées malades ou sont décédées» durant l’hiver 2020-2021. «Cantons et Confédération ont sous-estimé les risques et, la crise s’aggravant, il n’y a plus eu assez de temps pour une consultation approfondie.» Les disparités de mesures entre cantons – fermeture des restaurants et des magasins ici mais pas là, par exemple – sont dans toutes les mémoires.
Un «état-major permanent»
La CdC ne veut plus que cela se reproduise. Elle demande «un état-major permanent et transdépartemental», avec des représentants des cantons et des spécialistes. Il ne s’agit pas de créer une nouvelle structure. L’état-major fédéral de protection de la population pourrait, par exemple, être adapté en ce sens. «Pour de nombreuses mesures, comme le masque obligatoire, la décentralisation n’est pas judicieuse», a déclaré Lukas Engelberger.
Deux scientifiques très impliqués durant la pandémie partagent les conclusions de la CdC. «Il est vrai que cela aurait pu être pire», note Didier Trono, virologue, professeur à l’EPFL et membre de l’ancienne task force scientifique sur le Covid. «Mais cela aurait pu être mieux aussi. Si nous nous en sommes bien sortis, c’est principalement grâce à la population.» A Zurich, l’infectiologue Jan Fehr rappelle que «l’éclatement de la crise a été un énorme défi pour tout le monde, personne n’avait jamais vécu cela».
Pour éviter de nouvelles situations durant lesquelles cantons et Confédération se renvoient la balle, il faut, disent les deux experts, une sorte de «chef d’orchestre». Pour Didier Trono, cette personne doit avoir une vision d’ensemble et être compétente dans son domaine. «On peut imaginer que ce soit une personne différente selon le type de crise.» Jan Fehr suggère «un état-major par lequel les différents fils passent, comme une plaque tournante qui peut orchestrer les décisions, de leur préparation à leur mise en œuvre, avec tous les partenaires. Car la coordination entre tous les organes compétents n’a pas bien fonctionné.»
La loi sur les épidémies, appelée à être révisée, pourrait clarifier ces compétences. «Trois axes sont à améliorer, poursuit le Zurichois: la coordination, la nécessité de catalyser les idées et les mesures, et la communication. Si cette dernière n’est pas bonne, la population ne suit pas.»
«Rester dans le rythme»
Mais en attendant, la pandémie continue à sévir dans le monde. Le Conseil fédéral propose de prolonger la loi Covid. Les cantons ne sont pas très heureux du projet soumis à consultation jusqu’à lundi. «Nous sommes opposés à l’abandon de la compétence fédérale en ce qui concerne les tests, a expliqué Lukas Engelberger. Décider qui doit se faire tester et quand ne doit pas être du ressort des cantons, ne serait-ce que pour que la stratégie soit bien comprise par la population.»
La Conférence des directeurs cantonaux de la santé veut aussi pouvoir réagir rapidement avant l’automne, en cas de nouvelle flambée. «Nous n’avons plus de rencontres régulières avec le Département fédéral de l’intérieur comme au plus fort de la pandémie, indique encore le président Lukas Engelberger. Mais nous nous battons pour rester dans le rythme.»
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