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Un petit à la table des grands

Le manque de taille n’est pas rédhibitoire. Engagé aux Masters, Diego Schwartzman en est la preuve

Diego Schwartzman affrontera Roger Federer mercredi à ShanghaïKIMIMASA MAYAMA /

Pierre Salinas

Pierre Salinas

16 novembre 2020 à 22:02

Tennis » Selon les données de l’ATP, Diego – «El peque» (le petit en espagnol) – Schwartzman mesure 1 m 70, mais sans doute est-ce moins. A quoi bon chipoter? Neuvième mondial, l’Argentin né il y a 28 ans à Buenos Aires est le joueur le plus petit du top 100, club qui ne recense que neuf autres membres de moins de 1 m 80. Sa qualification pour les Masters de Londres, où il s’est incliné 6-3 6-2 devant Novak Djokovic hier, n’en est que plus réjouissante. Méritoire aussi.

Car qui ne possède pas les bras de levier infinis de l’Américain John Isner (2 m 08) ou la puissance naturelle de Stan Wawrinka n’a d’autre choix que de développer des aptitudes qui, dit de manière arbitraire peut-être, mais sans condescendance aucune, renvoient moins au champ lexical du talent qu’à celui du travail et de l’opiniâtreté.

Mental d’acier

«Un petit a des qualités qu’un grand ne peut avoir, et inversement. Mais il est clair que dans le tennis moderne, qui ne bénéficie pas d’un gros service doit être prêt à courir vite et longtemps, en plus d’avoir un mental d’acier», constate Arnaud Clément (1 m 72), autre tennisman au format de poche à s’être hissé parmi les dix meilleurs de la planète. N’a-t-il pas occupé le 10e rang en 2001 après avoir notamment atteint la finale de l’Open d’Australie?

Ancien capitaine de l’équipe de France de Coupe Davis, l’Aixois de 42 ans jette un regard admiratif sur la carrière de Diego Schwartzman, qu’il a vu débuter. «Il se trouve que Schwartzman a remporté en 2014 la première édition de l’Open du Pays d’Aix, tournoi Challenger dont je suis le directeur. Alors, il n’était pas encore très bien classé mais on sentait déjà chez lui une volonté hors du commun», observe celui qui coiffe aussi la casquette de consultant pour la chaîne Eurosport. Et d’ajouter: «De là à le voir arriver où il est aujourd’hui, honnêtement, je n’aurais pas misé là-dessus.»

Même combat

Arnaud Clément-Diego Schwartzman, deux époques différentes mais un même combat. «Je suis un peu plus grand que lui et, à un certain niveau, chaque centimètre compte, rigole-t-il au bout du fil. Forcément, il y a des parallèles à tirer et, sur les plateaux de télévision, je parle souvent de solidarité entre joueurs de petite taille. Il n’empêche que je n’oserai pas me comparer à lui. Car si j’ai effectivement fait une apparition dans le top 10, Schwartzman est d’ores et déjà mieux établi que je ne l’étais.»

Techniquement aussi, les différences sont notables. «Ce qui m’impressionne le plus, c’est sa faculté à être compétitif sur toutes les surfaces, reprend Arnaud Clément. Personnellement, l’indoor ne me faisait pas peur car, plus que la moyenne, j’avais beaucoup travaillé ma première balle. A chaque entraînement, c’était des centaines de sauts de service et de cibles à toucher. Pour compenser en précision ce que je n’avais pas en vitesse. J’imagine que Schwartzman n’en fait pas moins, mais il a cette capacité à générer de la puissance que je n’avais pas, c’est pourquoi il est si fort sur terre battue. N’a-t-il pas éliminé Nadal à Rome? O.K., c’était le tournoi de reprise de l’Espagnol, après le confinement. Mais même un Nadal qui joue mal fait partie des trois ou quatre meilleurs sur ocre…»

«Qui ne bénéficie pas d’un gros service doit être prêt à courir vite et longtemps.»

Arnaud Clément

Pim, pam et parfois, mais parfois seulement, poum! Quand il suffit aux géants du circuit de frapper un maximum de trois coups pour plier l’affaire, les «crevettes» redoublent d’agilité et multiplient les rallyes comme les bonds de cabris. «Il y a quelques années, si tu réussissais à engager l’échange face aux gros serveurs, tu gagnais le point trois fois sur quatre. Aujourd’hui, les morphologies ont changé. A l’image de Zverev et de Medvedev (ils mesurent 1 m 98 tous les deux, ndlr), les grands sont plus fins, se déplacent mieux et, donc, défendent mieux. La tâche des petits n’en devient que plus compliquée», soupire Arnaud Clément.

«Dans la tête»

Ne pas se décourager. Diego Schwartzman lui-même affirme ne jamais s’être apitoyé sur son sort. «Ma taille n’est pas un problème. La différence se fait dans la tête», confiait-il au site Tennislegend en mai 2018. Arnaud Clément non plus n’a jamais envié ceux qui le toisaient du regard. «Je peux comprendre ceux qui se sentent frustrés, mais cela n’a jamais été mon cas. Au contraire. Quand, à 14 ans, après avoir passé une batterie de tests sanguins, on m’a annoncé que je mesurerais entre 1 m 68 et 1 m 74, j’ai été presque soulagé car je craignais de ne pas dépasser 1 m 50.»

A la table des grands, il y a de la place pour tout le monde. Après les glorieux anciens que sont Michael Chang (1 m 75), Marcelo Rios (1 m 75), Nikolay Davydenko (1 m 78), Sébastien Grosjean (1 m 75), Guillermo Coria (1 m 75), Gaston Gaudio (1 m 75), David Ferrer (1 m 75) et Kei Nishikori (1 m 78), Diego Schwartzman s’est invité au festin des Masters. Le tennis lui dit merci.

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