Logo

Tennis

Le chemin est encore très long

Dominic Stricker et Leandro Riedi, finalistes de Roland-Garros juniors, ont encore des paliers à franchir


 Christophe Spahr

Christophe Spahr

13 octobre 2020 à 04:01

Tennis » Deux Suisses en finale d’un même grand chelem juniors, ce n’était jamais arrivé. Quand bien même Dominic Stricker, un Bernois de 18 ans, est le huitième Suisse à enlever un majeur à cet âge, le raccourci avec la carrière de ses prédécesseurs, Federer, Wawrinka, Hingis et Bencic, est prématuré. Du circuit juniors à celui de l’ATP, le chemin est très long. Nombre d’entre eux se sont d’ailleurs égarés en route jusqu’à se perdre dans l’anonymat des challengers et des futures, la deuxième et troisième division du tennis mondial. «Les actifs, c’est un autre monde», assène Alessandro Greco, responsable du sport d’élite à Swiss Tennis. «Il faut bien être conscient qu’il leur sera difficile de rééditer pareille performance chez les adultes. Gagner chez les juniors augmente leur chance d’atteindre le plus haut niveau. Mais ce n’est pas une garantie.»

«Les deux ont une chance de gagner leur vie avec le tennis», pronostique Yves Allegro, l’entraîneur de Leandro Riedi et ancien responsable des coachs à Swiss Tennis. «Mais à ce jour, ils n’ont encore rien fait.»

Extrêmement relâché

Il n’en reste pas moins que l’un et l’autre, dans des registres différents, ont un potentiel évident. C’est peut-être parce qu’ils sont très différents, sur et en dehors du court, que le tennis suisse a toutes les raisons de croire en eux. «Dominic Stricker est gaucher, très habile au filet et plutôt solide en fond de court», énumère Alessandro Greco. «Mais il est surtout extrêmement relâché en dehors des terrains. A l’instar de Roger Federer, d’ailleurs. C’est une qualité essentielle. Leandro Riedi est plus sensible. Lui est capable de jouer très vite. Il a déjà battu un top 100 (Andrej Martin, ndlr) à Kitzbühel. Son timing et son aptitude à accélérer la balle sont quasi parfaits.»

«Ils n’évolueront pas forcément au même rythme», confirme le Valaisan. «Leandro Riedi sait déjà depuis quelques mois ce qu’il se veut. Il est en mission. En privilégiant une structure privée, il a indirectement emmené les autres dans son sillage. De toute façon, ce sont deux gros talents.» Trois ans après Roger Federer, Roman Valent s’était aussi imposé sur le gazon de Wimbledon juniors. Or, il n’a jamais fait mieux que 300e mondial, deux ans plus tard. «A la différence de Valent, qui avait un énorme talent, Stricker et Riedi ont une grosse envie de vivre sur le circuit», précise le responsable du sport d’élite. «Rappelez-vous de Robin Roshardt, un ancien vainqueur de l’Orange Bowl!», souffle Yves Allegro. «A l’époque, il battait Djokovic et Murray. Or, il n’a jamais fait mieux que 500e mondial.»

Derrière les deux finalistes, Jeffrey Von Der Schulenburg (18 ans, ATP 1144) et Jérôme Kym (17 ans, ATP 1786) ne sont pas loin. Jérôme Kym s’était d’ailleurs révélé en Coupe Davis alors qu’il n’avait que 15 ans… «Ils sont quatre ou cinq, du même âge, à jouer quasiment au même niveau», se réjouit Alessandro Greco.

Envie et entourage

Après, il s’agit de garder les baskets sur terre, fut-elle en ocre. Les deux Suisses ont atteint la finale d’un grand chelem juniors alors qu’ils naviguent aux alentours de la dixième place mondiale, dans leur catégorie d’âge. Surtout, ils sont précédés par plus de 20 joueurs âgés de 18 ans et moins au classement ATP. Leandro Riedi n’occupe encore que le 942e rang mondial alors que Dominic Stricker – 1150e – est plus loin encore. «L’âge moyen pour entrer dans le top 100, c’est vers 23 ans», rappelle Alessandro Greco. «L’un ou l’autre y parviendra peut-être plus tôt mais il n’y a rien de sûr.»

«Le fait de réussir la transition entre les juniors et les adultes tient beaucoup à leur envie, à leur entourage et à tant de paramètres qu’il n’est pas possible de prédire s’ils réussiront une grande carrière ou pas», rappelle l’ancien joueur de Coupe Davis. «Aujourd’hui, l’un et l’autre sont des amoureux du jeu. C’est tout ce qui compte.» En conclusion, Dominic Stricker et Leandro Riedi ne sont encore que des espoirs. Rien ne dit qu’ils approcheront, même de loin, le palmarès exceptionnel de Roger Federer et de Stan Wawrinka. «Ces deux-là, pour la Suisse, sont hors norme», rappelle Yves Allegro. «Une carrière normale, c’est celle de Marco Chiudinelli (ATP 52 au mieux, ndlr). Eux, s’ils atteignent une fois les quarts de finale en grand chelem, ce sera déjà génial.»

le nouvelliste

Ce contenu provient de notre ancien site web. Il est possible que sa mise en page ne soit pas idéale. En savoir plus