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Sports motorisés

Le halo, une assurance-vie

Critiquée à ses débuts en 2018, la barre de protection a sans doute évité le pire à Romain Grosjean


Pierre Schouwey

Pierre Schouwey

30 novembre 2020 à 22:52

Formule 1 » Louis Delétraz se souviendra longtemps de ce dimanche 29 novembre 2020. En peu de temps, le Genevois de 23 ans est passé des joies du podium du Grand Prix de Bahreïn, en formule 2, à la crainte de voir son ami et coéquipier Romain Grosjean mourir sur le circuit qu’il venait de quitter. Le pilote réserve de l’écurie de formule 1 Haas, pour laquelle roulent justement Romain Grosjean et Kevin Magnussen, a retenu sa respiration 28 secondes. Le temps qu’il a fallu au Franco-Suisse pour s’extirper des flammes de sa monoplace qui venait de heurter à plus de 221 km/h le rail de sécurité de la piste bahreïnienne.

Gravée à jamais dans la mémoire du fils de Jean-Louis Delétraz (trois départs en F1 entre 1994 et 1994), l’image de Romain Grosjean émergeant du brasier a fait le tour de monde et marqué les esprits. «Ce moment avait beau être court, il a duré une éternité. Quand nous avons vu qu’il était sorti indemne (de simples brûlures aux chevilles et aux mains, ndlr) de ce qui est l’un des plus gros crashs de l’histoire de la F1, tout le monde, dans la bulle sanitaire de la F2 où je me trouvais pour regarder le départ de la course, s’est fait la même réflexion: c’est un miracle qu’il s’en sorte vivant. Une explosion comme celle-ci, ça n’arrive que dans les films. Normalement, nos voitures sont construites de façon à garder notre réservoir intact. Mais avec la barrière qui a coupé la voiture en deux, tout le fioul est sorti. En début de course, il y a 140 kg dans un réservoir plein. C’est le pire scénario possible. Heureusement, la cellule de survie a fait son travail. Le halo aussi.»

L’essayer, c’est l’adopter

Le halo (ou auréole), sorte d’arceau en titane surplombant le cockpit, a vécu son petit moment de gloire dans la vidéo de 32 secondes publiée par Romain Grosjean depuis son lit d’hôpital, qu’il devrait quitter dans la journée: «Je n’étais pas favorable au halo il y a quelques années, mais c’est la meilleure chose qui ait été introduite en F1. Sans lui, je ne serais pas là pour vous parler aujourd’hui.»

Censé protéger la tête des pilotes et résister au poids de deux éléphants, selon la Fédération internationale de l’automobile (FIA), le halo n’a pas failli à son rôle de bouclier au moment où le museau de la Haas a transpercé le rail. «Sans ça, il ne fait aucun doute que c’est la tête de Romain qui aurait ramassé», ose à peine imaginer Louis Delétraz, qui n’est pas le seul «fou du volant» à avoir révisé son jugement initial concernant cette armature de quelque 7 kg. «Deux ou trois crashs ont démontré l’importance du halo (celui de Charles Leclerc au GP de Belgique en 2018 notamment, ndlr). Pour l’anecdote, il m’est arrivé récemment de conduire une voiture qui n’avait pas de halo. Je me sentais beaucoup plus vulnérable et exposé. Une fois que vous avez roulé avec, difficile de revenir en arrière. En le rendant obligatoire, la FIA a fait un supertravail.»

Vainqueur d’un Grand Prix interrompu durant plus d’une heure, Lewis Hamilton a lui aussi souligné les efforts entrepris par la FIA ces dernières années afin d’améliorer la sécurité des protagonistes.

Unanimes, les pilotes l’étaient déjà en 2018, quand le halo a été rendu obligatoire en écho au décès du Français Jules Bianchi, lequel s’était encastré sous une dépanneuse quatre ans plus tôt. Unanimes pour dire… qu’ils n’en voulaient pas. Dans un premier temps, le «dispositif le plus laid de l’histoire de la F1», selon Hamilton, appendice que Max Verstappen n’avait pas hésité à comparer à une tong, avait froissé les puristes du sport automobile. «Je le trouvais aussi très moche et n’étais pas totalement pour. A part Sebastian Vettel, il me semble que personne n’était vraiment favorable», rembobine Louis Delétraz.

«Comme un nez»

En plus de dénaturer la coupe aérodynamique et classieuse de ces flèches technologiques, le halo suscitait une crainte purement pratique. Celle que la vue de leur conducteur, qui voit une barre verticale incurvée se dresser entre ses deux yeux, soit obstruée. «En m’asseyant pour la première fois dans une voiture dotée d’un système halo, reprend le Genevois, je me suis demandé: «Comment je vais pouvoir rouler comme ça? C’est tellement gros.» Une fois revenu aux stands après un tour d’essai, j’ai passé le volant à un coéquipier, qui m’a demandé à quel point c’était gênant. C’est là que j’ai réalisé que mon cerveau avait complètement effacé la barre. Un pilote regarde toujours au loin et n’est pas concentré sur un point proche de soi. C’est comme son propre nez. Quand on n’y pense pas, on ne le voit pas.»

Définitivement adoptée par ses anciens et nombreux détracteurs, l’auréole a empêché Romain Grosjean de rejoindre Jo Siffert, Gilles Villeneuve, Ayrton Senna et tant d’autres sur la trop longue liste des pilotes décédés en Grand Prix. Des saints de la F1 qui peuvent regretter d’avoir dû attendre d’accéder au paradis pour être coiffés d’une auréole.

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