Si l’escrime nous était contée
Président de la société de Sarine-Fribourg, Gilles Rooss est un passionné d’histoire. Suivez le guide!
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Pierre Salinas
28 janvier 2023 à 02:01
Escrime » Un livre jauni dont les illustrations sont signées Michel-Ange, le même qui a décoré la chapelle Sixtine à Rome. Des masques ancestraux toujours plus complexes qui côtoient une gravure datant du XVIIe siècle dont la petite sœur logerait au British Museum de Londres, croit savoir notre interlocuteur. Quant à la rapière, cette épée souple et effilée, posée devant nous, elle date de 1903 et a appartenu au premier maître d’armes de la Société de Fribourg – le hasard fait souvent bien les choses.
La caverne d’Ali Baba dans une salle de gymnastique! Il y a là, mis en évidence sur un chevalet ou un banc suédois, des objets qui inspirent autant de respect qu’un mousquetaire qui pointerait sa lame sur le bout de votre nez. Un jour sans doute, ces trésors auront leur place dans un musée entièrement dédié à l’escrime. En attendant, ils sont à découvrir dès aujourd’hui et jusqu’à demain à la salle de sport du Cycle d’orientation de Marly, qui accueille la 17e édition du tournoi Contre de Sixte comptant pour le Circuit suisse. Entre deux assauts, nul doute que les quelque 300 jeunes tireurs attendus ce week-end prendront le temps de se hisser sur la galerie, à l’écoute de Gilles Rooss, lequel a prévu de jouer les guides dimanche entre 14 et 15 h.
Sur le tard
Gilles Rooss est le nouveau président de la Société d’escrime Sarine-Fribourg (SESaF), organisatrice d’un événement qui n’a pu avoir lieu ces deux dernières années, la faute au Covid, mais qui est indissociable de la vie du club. Ne serait-ce que pour des raisons financières. Il a succédé en septembre dernier à Magali Le Moigne, après avoir siégé au sein du comité. Dynamique, ce Fribourgeois d’adoption né il y a 49 ans en banlieue parisienne, racines que seul son accent trahit, a découvert l’escrime sur le tard par le biais de sa fille qui la première a poussé la porte de la salle d’armes de l’Université de Miséricorde. Papa s’est fait piquer à son tour. En plein cœur.
«Mon arrière-grand-père était prévôt, soit le grade en dessous de maître d’armes. J’ai encore l’image de lui et de son fleuret, lance Gilles Rooss. Quand ma fille a commencé, je l’ai suivie et me suis pris de passion pour l’histoire de ce sport et ses personnages, du chevalier de Saint-Georges aux frères Lumière en passant par Robert Houdin.»
Robert Houdin est l’inventeur de l’appareil à touches qui permet de savoir sur-le-champ si l’envoi a trouvé sa cible. «Il est surtout le plus grand magicien de tous les temps. La malle des Indes, par exemple, c’est lui», précise un Gilles Rooss enthousiaste, dont le thème central de l’exposition n’est autre que le héros de la prochaine production de Walt Disney: Saint-Georges. Qui était-il? A peine la question posée, Gilles Rooss s’empresse d’y répondre. Où l’on apprend que ce métis né au XVIIIe siècle en Guadeloupe d’une esclave et d’un riche planteur brillait aussi bien avec une épée qu’avec un archet de violon dans la main. Colonel de l’armée française, il fut aussi l’une des grandes figures de la révolution. «Pour l’anecdote, son aide de camp s’appelait Dumas, soit le père d’Alexandre Dumas, l’auteur des Trois Mousquetaires…»
Un goût de terroir
Ecouter Gilles Rooss, c’est se plonger dans un passé au goût de terroir. Tiens, voici Antoine de Saint-Exupéry! Mais que vient-il faire ici? «Saint-Exupéry a essuyé pendant quelque temps les bancs de la Villa Saint-Jean, à Fribourg, un collège réputé où sa mère l’avait envoyé. Ce n’était pas un élève très brillant sauf… à l’escrime, sa meilleure matière, et de loin», sourit le président de la SESaF. Ou quand l’escrime se pratiquait entre gentilshommes, sur les Grand-Places à l’heure du thé.
Comme un sabreur se fend pour mieux toucher son adversaire, Gilles Rooss est un adepte du grand écart. Lui qui, côté cour, dirige une société active dans les domaines des applications mobiles et de l’intelligence artificielle se réfugie une fois sorti de son bureau dans les archives. «L’un n’empêche pas l’autre!» rétorque-t-il. Et d’ajouter: «L’escrime est un sport moderne qui a su évoluer à travers les âges. Si je l’aime autant, c’est aussi parce que c’est un prisme qui ouvre sur la technologie et de vastes univers tels que la musique ou le cinéma. Saviez-vous que la première discipline sportive à avoir été filmée était la boxe, par Thomas Edison? Mais la deuxième… Oui, c’est l’escrime, grâce aux frères Auguste et Louis Lumière!» Si l’escrime nous était contée, Gilles Rooss serait un narrateur tout indiqué. Il l’est déjà.
Le programme
Contre de Sixte, 17e édition. Tournoi national ouvert aux catégories U8 à U20. Salle de sport du CO de Marly. Le samedi et le dimanche, les assauts débutent à 9 h pour se terminer en fin d’après-midi.
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