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Football

Silva, un «monstre» à fleur de peau

Défenseur central du Chelsea FC, le Brésilien est un homme à qui son émotivité a pu jouer des tours


 Pierre Salinas

Pierre Salinas

29 mai 2021 à 04:01

Ligue des champions » Huitièmes de finale de la Coupe du monde 2014, au Brésil. Pas plus que le temps réglementaire, les prolongations ne sont pas parvenues à séparer le pays organisateur du Chili. La qualification se décidera à pile ou face, à l’issue d’une séance de tirs au but toujours incertaine. Assis à l’écart de ses coéquipiers partis s’enquérir des derniers conseils de leur sélectionneur, les coudes sur les genoux et la tête dans les épaules, Thiago Silva pleure. C’est ça: brassard bleu sur son biceps gauche en évidence, le capitaine de la Seleção fond en larmes, comme submergé par l’enjeu.

La scène fait le tour du monde, qui se moque et s’interroge. A tel point que, le lendemain, Thiago Silva est invité à s’expliquer devant la presse. «Je suis un émotif, je m’émeus facilement. C’est naturel, l’émotion chez l’être humain, commence-t-il en s’adressant aux journalistes. Les gens disent des bêtises: à aucun moment cela ne m’affecte sur le terrain. Mon opinion, c’est que non seulement cela ne me pose aucun problème, mais que cela m’aide au contraire.»

Depuis, celui qui est devenu l’un des piliers de la défense de Chelsea, défense que Manchester City ne manquera pas de mettre à rude épreuve ce soir à Porto en finale de la Ligue des champions, a prouvé qu’il était un arrière fiable et solide malgré le poids des ans: 36. Mais le «monstre» – son surnom – est resté un joueur sensible, dont une certaine remontada, LA remontada, soulignera à nouveau l’extrême fragilité.

LA remontada

Souvenez-vous, le 8 mars 2017 au Camp Nou. Vainqueur 4-0 de Barcelone à l’aller, le Paris-Saint-Germain du capitaine Silva sombre 6-1 lors du match retour. La déroute est historique et, comme trois ans plus tôt, l’expérimenté Carioca est pointé du doigt. «Il était où le patron?» se demande la planète football. «Il n’est pas le seul à mettre en cause. Mais le fait est que, ce soir-là, il a probablement manqué de caractère», réagit Stéphane Henchoz, ancien défenseur central de métier, comme Thiago Silva. «De par son poste et son statut de capitaine, l’on peut probablement lui reprocher de n’avoir pas su changer le cours des événements. Mais dans une équipe, peu de joueurs en sont capables: parfois même, il n’y en a pas», poursuit le Broyard, avant de citer les noms de Ruediger, Azpilicueta et Kanté, «mais, pour ce dernier, moins par la parole que par les actes»: autant de joueurs de Chelsea qui, selon lui, sauraient porter les Blues en cas de coup dur.

Au charbon

Ne pas se méprendre: si l’émotion est indissociable du ballon rond, l’émotivité même débordante n’empêche pas de devenir un grand, un juste, un bon. «Thiago Silva a pu craquer par instants, relève l’ex-patron de l’arrière-garde des Young Boys Steve von Bergen, mais je ne crois pas qu’il soit faible mentalement. Sinon il n’aurait pas pu jouer aussi haut, aussi longtemps. Simplement, quand la cocotte chauffe et que le trop-plein menace, il faut que cela sorte. Certains explosent de retour chez eux, dans les vestiaires ou aux toilettes. Thiago Silva, lui, n’a pas pu se retenir et l’a fait à même la pelouse, sous les yeux du monde entier. Faut-il lui jeter la pierre pour autant?»

Desservi par des secousses devenues traumatismes, Thiago Silva l’est aussi par sa position sur le terrain. «Quand on parle d’un défenseur central, reprend Stéphane Henchoz, on a tendance à voir un guerrier qui va au charbon, tête contre tête, qui tacle et bloque des ballons, bref qui se sacrifie. Montrer sa sensibilité n’est pas considéré comme un signal positif. Est-ce un défaut? Mouais, peut-être… Mais c’est aussi une qualité, car être sensible, c’est avoir de l’empathie.»

«O monstro» n’est pas l’exception qui confirme la règle. Il n’est pas un ovni non plus. N’y a-t-il pas des Thiago Silva partout et à tous les niveaux? Timothée Ndarugendamwo n’avait pas le profil du soldat sans peur et sans reproche qu’induit le poste qu’il a occupé pendant sept saisons et demie au FC Fribourg, en 1re ligue et 1re ligue promotion. «Jamais je n’ai pleuré. Mais toutes proportions gardées, je me reconnais un peu en Thiago Silva. Chez moi, si tout se passait bien lors des 10 premières minutes, si par exemple ma première passe était bonne, cela m’aidait à me libérer. A contrario, si je connaissais un début de rencontre compliqué, mon mental me prédisposait à connaître une fin de match compliquée aussi», sourit le Fribourgeois de 28 ans, qui soutient Chelsea «depuis aussi longtemps que je m’en souvienne.»

Et ce soir?

Jour J. Ce soir (21 h), Thiago Silva aura l’occasion d’effacer l’échec qu’il avait subi l’an dernier au même stade de la compétition sous le maillot du PSG, club avec lequel son histoire s’est mal terminée. Dans quel état est-il? Saura-t-il oublier le passé pour mieux se concentrer sur le présent? «Il a la réputation d’être fébrile dans les moments importants mais, en tant que supporter, je ne suis pas inquiet. Parce qu’il a une revanche à prendre, contre les critiques notamment, et qu’il va tout faire pour être prêt», se persuade Timothée Ndarugendamwo. Steve von Bergen va encore plus loin: «Je pense que l’on verra un grand Thiago Silva.»

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