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Football

Chronique d’une lente agonie

Plombé par plusieurs années d’errances, le FC Fribourg quitte la première ligue par la petite porte

Le FC Fribourg ne fait rêver plus personne et il aura beaucoup de mal à remonter la pente.

 Pascal Dupasquier, Patrick Biolley

Pascal Dupasquier, Patrick Biolley

16 avril 2019 à 04:01

Football » Officielle depuis samedi, la relégation du FC Fribourg en 2e ligue interrégionale ne laisse personne indifférent. Outre l’aspect sportif, la situation du club suscite de nombreuses interrogations. «Ce n’est pas une surprise, Fribourg flirtait avec la limite depuis plusieurs saisons, souligne Stéphane Fragnière, ancien capitaine et directeur technique. C’est surtout triste pour le football en ville. Quand j’avais 15 ans, il y avait quatre bons clubs, qui nous faisaient rêver. Maintenant, il n’y en a plus un seul.»

«C’est triste, mais c’est peut-être une bonne chose au final, ajoute Jean-Pierre Gauch, président de 2013 à 2017. Cela permettra de reconstruire plus sereinement.» «Je n’ai qu’un seul mot: catastrophe, souffle à son tour Héribert Brülhart, président d’honneur. Le FC Fribourg est actuellement à l’image de la tribune du stade: dans un état lamentable.»

Comment le club centenaire en est-il arrivé là? Décryptage.

1. Promotion League, le début de la fin

Samedi 9 juin 2012, les 849 spectateurs de Saint-Léonard sont en ébullition. La formation de l’entraîneur Jacques Descloux accède à la Promotion League avec un effectif composé à plus de 80% de footballeurs fribourgeois. Le champagne est sabré… Il aura vite un goût amer. «L’équipe s’est renforcée et des joueurs de la promotion ont dû s’en aller. C’était le choix du directeur sportif», constate Jacques Descloux qui, après avoir décidé de quitter son poste, a assisté à la relégation le printemps suivant comme simple spectateur.

«Les renforts qui ne s’identifiaient pas au club sont alors partis. Cela dit, l’équipe a bien digéré la relégation, puisqu’elle a disputé les finales l’année suivante», rappelle Jacques Descloux. Le noyau fribourgeois avait cependant éclaté. «Une fois que les derniers de la génération Bondallaz, Brülhart, Zaugg sont partis, les dirigeants n’ont pas réussi à créer une nouvelle volée. Les joueurs qui sont venus n’avaient plus cette même identité envers le club, raison pour laquelle le groupe devait être reconstruit chaque saison. Ce manque de stabilité a fait la perte du FC Fribourg.»

2. Un essai nommé FC Cantonal

Annoncée en grande pompe en novembre 2014, la fusion des trois clubs principaux du canton – Fribourg, Bulle et Guin – devait réunir une équipe première sous un seul étendard, un seul maillot et… dans la capitale. Las, le projet a été avorté six mois plus tard. Les partisans ont blâmé l’esprit de clocher de certains, les adversaires, eux, reprochaient au FC Fribourg de vouloir profiter du vivier juniors des deux autres clubs.

«Je reste persuadé qu’un rapprochement était et est toujours la meilleure solution», affirme Jean-Pierre Gauch, président du FC Fribourg au moment des faits et, plus récemment, à la base du projet de fusion entre le club de Saint-Léonard et Richemond. «En ville de Fribourg, si les clubs veulent plus que de la 2e ligue interrégionale, il faut fusionner, martèle-t-il. Je suis convaincu que c’est en se mettant à plusieurs que l’on arrivera à quelque chose.» Et son ancien directeur technique, Stéphane Fragnière, de reprendre: «Pour les joueurs, cela reste la meilleure solution. En 2003, Bulle avait rameuté les meilleurs Fribourgeois pour la Challenge League, c’était top! Mais c’était il y a seize ans…»

3. Une inéluctable descente aux enfers

Depuis la chute de la Promotion League, le FC Fribourg a usé trois présidents, neuf entraîneurs et… 112 joueurs! «Après la relégation en 2013, nous avions fait venir Ermal Uka, Tim Ndarugendamwo ou Sléo Freiburghaus en leur disant: vous êtes la nouvelle génération de Fribourgeois, se rappelle Stéphane Fragnière. Comment voulez-vous que ces joueurs restent quand les décisions prises sont plus catastrophiques les unes que les autres? Cela a été une véritable douche froide pour toute une génération.»

Président à ce moment-là, Jean-Pierre Gauch est plus pragmatique. «Il y a eu trop d’ambition et, surtout, un manque de modestie, dit-il. A un moment donné, il faut accepter que le club n’ait plus les moyens de regarder plus haut.» Et l’ancien homme fort de Saint-Léonard d’avoir deux regrets: «Je n’aurais pas dû changer autant souvent d’entraîneur. Hormis Stéphane Fragnière (en octobre 2013, ndlr) et Ismaël Djelid (avril 2017), aucun ne nous a fait gagner plus de matches. Deuxièmement, en 2017, quand nous sommes sauvés sur le tapis vert, j’aurais dû refuser de rester en première ligue. Financièrement, cela devenait trop compliqué. Comme Guin, Fribourg aurait dû accepter son destin.»

4. Quel avenir pour le club?

La relégation entérinée le 13 avril, la fusion avec Richemond refusée le 28 mars: le FC Fribourg se retrouve plongé dans la plus grosse crise de ses 119 années d’histoire. «La structure n’est pas là. A tous les niveaux, il y a un problème», réagit Héribert Brülhart, un président d’honneur qui, une fois de plus, sort de sa retraite pour voler au secours du club cher à son cœur. «Je m’étais retiré l’année passée, mais je vais donner un coup de main pour mettre en place les structures. Après, il faudra qu’ils se débrouillent. Sinon, le club devra peut-être fusionner», annonce-t-il.

Si le vice-président et directeur sportif Michael Baeriswyl s’en ira, tout comme les entraîneurs Charly Clément, Georges Bula et Anthony Schenevey, le président Antonio Piller devrait en principe poursuivre son mandat, selon Héribert Brülhart. «La priorité maintenant est de trouver un directeur technique qui pourra nommer un entraîneur afin de former l’équipe de la saison prochaine, planifie le président d’honneur. Il faut aussi trouver du monde pour le comité et le sponsoring, l’argent reste le nerf de la guerre.»

Héribert Brülhart n’est pas dupe, le FC Fribourg n’a pour l’heure aucune garantie d’avenir: «Quand on voit ce que certains joueurs touchent, il est illusoire de croire que la 2e ligue inter sera meilleur marché», prévient-il. Pour lui, une seule piste à suivre: «Il faut s’inspirer de ce qu’a fait Bulle et de ce que fait Guin: rebâtir avec des joueurs de la région. Cela prendra du temps, Bulle a mis quatre ans avant de remonter, mais c’est la meilleure chose à faire.»

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