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Cyclisme

«Un coup de pied dans la fourmilière»

Le 8 juillet 1998 éclatait le scandale de dopage avec l’équipe Festina en marge du Tour de France

Les Suisses Laurent Dufaux (à gauche) et Alex Zülle faisaient partie de l’équipe Festina qui a été exclue du Tour de France en 1998.

 Julian Cerviño

Julian Cerviño

8 juillet 2023 à 04:01

Cyclisme » Il y a 25 ans, le 8 juillet 1998, éclatait l’affaire Festina. A trois jours du départ du Tour de France, à Dublin, cet énorme scandale provoqua le chaos dans le monde du vélo. Ce sport semblait ne pas pouvoir s’en remettre. Pourtant, 25 ans après, le cyclisme existe toujours et la Grande Boucle déchaîne encore les passions. Qu’est-ce qui a changé? Nous faisons le point avec le chercheur Raphaël Faiss, de l’Université de Lausanne (Unil).

«A l’époque, j’avais 19 ans et cela m’avait interpellé», raconte Raphaël Faiss. «Avant tout parce que nous étions dans l’«âge d’or» du cyclisme suisse, avec des coureurs comme Tony Rominger, Alex Zülle, Laurent Dufaux ou Pascal Richard qui remportaient de grandes courses.» Alex Zülle, Laurent Dufaux et leur compatriote Armin Meier faisaient d’ailleurs partie de l’équipe Festina, au cœur du cyclone, et bannie du Tour de France le 18 juillet après le passage aux aveux de leur directeur sportif Bruno Roussel. Six autres formations (Once, Kelme, Vitalicio, Banesto, TVM, Riso Scotti) se retirèrent de la course.

Ce «séisme» provoqua une grande remise en question de la façon de lutter contre le dopage. «Avec le recul, je vois ça comme un grand coup de pied dans la fourmilière», commente Raphaël Faiss. «On remarque que cela correspond à la façon de travailler de l’époque. L’utilisation de l’EPO dans le peloton était endémique, généralisée.» Presque impossible de gagner sans en consommer dans ces années-là.

Passeport biologique

L’hématocrite (taux de globules rouges dans le sang) de certains coureurs atteignait plus de 60%, alors qu’un seuil de 50% était toléré. La situation a évolué depuis. «Le cyclisme a pris une direction plus saine, avant tout pour une question d’image», assure ce chercheur. «Le Comité international olympique (CIO) a saisi l’occasion de cette affaire pour séparer le pouvoir sportif de celui de la lutte antidopage avec la création de l’Agence mondiale antidopage (AMA). On s’est toutefois aperçu depuis que cette instance ne pouvait pas s’occuper de tous les aspects de cette lutte. Ce n’était pas gérable au niveau opérationnel.»

Les fédérations, dont l’Union cycliste internationale (UCI), ont mis en place leur propre programme de contrôles antidopage. Les recherches ont été plus poussées, le passeport biologique a été mis en place il y a près de 15 ans, la détection est devenue plus ciblée. «Les coureurs ont dû changer leur façon de travailler», relève Raphaël Faiss. «Avec l’EPO, ils pouvaient augmenter leurs charges d’entraînement sans trop se soucier de la récupération. Maintenant, c’est totalement différent. On parle de gains marginaux, on pousse plus loin la recherche en matière de préparation physique et de récupération.»

La façon d’exercer le métier de cycliste a radicalement changé. «Les cyclistes ne disputent plus autant de courses qu’auparavant», confirme notre interlocuteur. «Les objectifs sont davantage ciblés. Les courses se gagnent de façon différente. Le travail en équipe est super important. Certains coureurs, potentiellement leaders dans d’autres formations, se mettent au service d’un leader unique. Celui-ci est mis dans les conditions idéales pour produire un effort maximal à un instant précis.»

Résultat «stupéfiant»

On assiste à ce scénario sur ce Tour de France avec des attaques de Jonas Vingegaard dans le col de Marie Blanque mercredi et dans le Tourmalet jeudi de Tadej Pogacar aussi. Et le résultat est «stupéfiant», comme le dit Raphaël Faiss. Forcément, le doute surgit face à de telles performances. «Pour le grand public, l’image du cyclisme est toujours liée au dopage», constate ce spécialiste en la matière. «Pourtant, avec l’athlétisme, ce sport est le plus contrôlé. Les contrôles sont les plus nombreux et les plus ciblés. Si on trouve plus de cas positifs dans ces sports, c’est aussi parce que c’est dans ceux-ci qu’on cherche le plus les tricheurs.»

Cette politique de contrôles très poussée engendre un effet dissuasif sur la plupart des coureurs. Leur éducation a aussi évolué. Les gains que l’on peut tirer du dopage sont bien moins importants qu’il y a 25 ans. Certainement la plus grande victoire de la lutte antidopage. «La sensibilité d’analyse est 1000 fois plus grande et les bénéfices de la consommation de produits dopants 1000 fois moins élevés», image Raphaël Faiss. «Les performances sont devenues plus crédibles qu’il y a 15 ans.»

Ce qui ne signifie surtout pas que le dopage a disparu du peloton. «Les nouvelles substances sont plus difficiles à se procurer et plus difficiles à utiliser», explique Raphaël Faiss. «Elles provoquent aussi moins d’effets secondaires. Le dopage, comme la lutte antidopage, est devenu plus scientifique. On ne bricole plus autant que par le passé. Les protocoles sont plus pointus et il est devenu difficile de connaître la stratégie des sportifs qui se dopent encore.» arcinfo

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