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Cyclisme

L’ombre du dopage plane sur le Tour

La domination du Danois Jonas Vingegaard, qui affole les compteurs, rallume les feux de la suspicion


20 juillet 2023 à 04:01

Tour de France » Domination outrancière de Jonas Vingegaard, records de vitesse et écarts abyssaux rallument les feux de la suspicion sur le Tour de France. Mais sans éléments tangibles permettant d’attester le recours au dopage.

«Je comprends tout à fait les questionnements à ce sujet à cause du passé de notre sport. C’est même bien d’être sceptique, car sinon cela se reproduira. Tout ce que je peux dire, c’est que je ne prends rien», assurait Jonas Vingegaard dimanche. Deux jours plus tard, le Danois surclassait tout le monde, Tadej Pogacar compris, dans un contre-la-montre avalé à une telle vitesse – 41,227 km/h de moyenne sur un parcours très accidenté – qu’il pensait que son capteur de puissance était cassé.

«Je ne me souviens d’aucun chrono dans lequel le vainqueur met 4,5 secondes par kilomètre au deuxième», s’est étonné son compatriote Michael Rasmussen, exclu du Tour en 2007, qui a reconnu s’être dopé pendant les années noires sous le règne de l’EPO. «C’est un temps impressionnant et celui de Pogacar l’était déjà», note le coureur d’Arkéa-Samsic Simon Guglielmi, qui ajoute: «Tout le monde peut se poser des questions, tout le monde s’en est toujours posé, moi je reste concentré sur ma course.»

Les écarts au classement général sont colossaux. Ils ne manquent pas d’interpeller. «Évidemment, les questions ne sont pas illégitimes. On vit avec depuis longtemps», réagit le directeur du Tour Christian Prudhomme. Et de préciser: «Le maillot jaune est testé tous les jours et son vélo aussi. Quant aux contrôles, ils sont faits par une agence indépendante (l’International testing agency, ndlr), ce qui n’était pas le cas avant.»

«Difficile de comparer»

Hier, avant le départ de la 17e étape, les équipes Jumbo-Visma et UAE ont d’ailleurs reçu une nouvelle visite des contrôleurs antidopage, selon le site spécialisé Wielerflits. «J’applaudis cette initiative, a assuré le patron de Jumbo-Visma, Richard Plugge, au pied du bus. C’est un pas supplémentaire dans la lutte contre le dopage. Jonas Vingegaard s’est soumis à pas moins de quatre tests sanguins lors des 48 dernières heures. Nous sommes contents de pouvoir coopérer.»

Au-delà du chrono hors normes de Vingegaard, cette 110e édition a été marquée par des records d’ascension dans plusieurs cols escaladés plus vite par Vingegaard et Pogacar que par des tricheurs comme Lance Armstrong. Pour Thibaut Pinot, qui a régulièrement exprimé des doutes sur la probité de certains adversaires, il est pourtant «difficile de comparer» les performances à cause de facteurs extérieurs qui peuvent diverger fortement, comme le placement du col dans l’étape, le revêtement de la route, les conditions météorologiques ou la direction du vent.

«Dans le Grand Colombier par exemple, on avait un gros vent de dos», dit-il, avant d’ajouter: «Mais oui, ça va très vite.» Pour expliquer ces moyennes supersoniques, Vingegaard met en avant les progrès faits en matière de nutrition, d’entraînement et de matériel, surtout les vélos: «Tout a changé», insiste le Danois.

Et son équipe est réputée pour pousser les curseurs très loin dans ces domaines. «Dans le chrono, ils enlèvent même la peinture sur les vélos pour gagner 150 grammes», souligne Tom Dumoulin, ancien équipier de Vingegaard, sur la chaîne flamande Sporza. Mais est-ce suffisant pour expliquer la domination du maillot jaune et les étapes de Jumbo-Visma en mode rouleau compresseur? Des acteurs du milieu se montrent circonspects mais refusent de s’exprimer publiquement, faute de preuves sur lesquelles s’appuyer.

Le recours controversé par certaines équipes comme Jumbo-Visma ou Soudal-Quick Step aux cétones, un carburant supplémentaire pour les muscles qui s’ingère sous forme de gel ou de boisson, dont la prise n’est pas interdite par le règlement, est aussi régulièrement épinglé.

Dopage mécanique

Sans atteindre l’ampleur des «années de plomb», plusieurs affaires de dopage ont secoué le cyclisme dans un passé récent. L’équipe Bahrain a été ciblée par plusieurs perquisitions et son manager général soupçonné dans le cadre de l’affaire de dopage sanguin Aderlass en 2020.

Les Colombiens Nairo Quintana et Miguel Angel Lopez ont, eux, été licenciés dernièrement par leurs équipes, le premier pour usage de tramadol, le second à cause de ses liens présumés avec un médecin au centre d’un trafic de produits dopants. Quant au dopage mécanique voire génétique, aucun cas n’a été détecté dans le peloton du Tour de France à ce jour. ATS, avec AFP


Tadej Pogacar craque, Felix Gall remporte l’étape

La défaillance du Slovène dans le col de la Loze scelle l’histoire de la 110e édition du Tour de France, promise à Jonas Vingegaard.

Le Tour de France 2023 est sans doute joué au terme de la 17e étape. Jonas Vingegaard (Jumbo-Visma) est idéalement placé pour fêter un deuxième succès consécutif. Tadej Pogacar a en effet craqué. Avec désormais 7’35 de retard au général, il doit se rendre à l’évidence. Membre de l’échappée du jour, l’Autrichien Felix Gall (AG2R) a gagné en solitaire cette étape reine de 165,7 km entre Saint-Gervais Mont-Blanc et l’altiport de Courchevel, l’ultime dans les Alpes. Il a précédé l’Anglais Simon Yates de 34 secondes. Vingegaard a fini 4e à 1’52.

Gall a remporté le plus beau succès de sa carrière, le deuxième seulement après sa victoire d’étape sur le Tour de Suisse en juin où il avait déjà fait très forte impression. Arrivé sur le Tour dans un rôle d’équipier, l’Autrichien de 25 ans a été propulsé leader de son équipe en cours de route à la place de Ben O’Connor, trop juste.

Pogacar, qui avait chuté en début d’étape, a subi une grosse défaillance dans le terrible col de la Loze, perdant le contact avec le maillot jaune à un peu moins de 8 km du sommet, avant même les rampes les plus dures. Au final, il a franchi la ligne à 5’45 de Vingegaard, enterrant ainsi ses minces derniers espoirs de renverser la situation.

«J’ai lâché, je suis mort», avait dit pendant son chemin de croix dans la Loze le vainqueur des éditions 2020 et 2021, lors d’une conversation radio avec ses directeurs sportifs. «Je ne sais pas ce qui s’est passé. J’arrive en bas de la dernière ascension complètement vidé. J’ai beaucoup mangé, mais ce n’est pas arrivé jusque dans les jambes aujourd’hui. Je suis extrêmement déçu de ne pas avoir pu pousser autant que je voulais», a analysé le Slovène, qui veut cependant finir le Tour en beauté. «Je veux offrir une victoire d’étape à mon équipe. On va essayer, que ce soit pour moi, Adam (Yates), Felix (Grosschartner), Marc (Soler), on va essayer de le faire pour qu’il y ait aussi Adam sur le podium avec moi.»

A moins d’une chute, Jonas Vingegaard (26 ans) va donc remporter dimanche à Paris une deuxième Grande Boucle après celle de 2022. Pogacar a résisté durant deux semaines, mais il a fini par devoir s’avouer vaincu. «Je suis très soulagé évidemment, avoir plus de 7 minutes d’avance c’est formidable», a estimé le Danois.

Il se veut néanmoins encore prudent. «Comme je l’ai déjà dit, on n’est pas encore à Paris, il reste encore des étapes piégeuses. On n’y est pas encore, je vais faire de mon mieux. Je crois que Pogacar n’abandonne jamais, il va essayer quelque chose, il va tenter à nouveau, il faut que je sois prêt pour réagir. Je crois qu’il reste encore des étapes très intéressantes.» ATS

Les classements

110e Tour de France. 17e étape, Saint-Gervais Mont-Blanc - Courchevel (165,7 km): 1. Felix Gall (AUT/AG2R) 4h49’08’’. 2. Simon Yates (GBR) à 0’34. 3. Pello Bilbao (ESP) à 1’38. 4. Jonas Vingegaard (DEN) à 1’52. 5. David Gaudu (FRA) à 2’09. 6. Tobias Johannessen (NOR) à 2’39. 7. Chris Harper (AUS) à 2’50. 8. Rafal Majka (POL) à 3’43. 9. Adam Yates (GBR), même temps. 10. Wilco Kelderman (NED) à 3’49. 11. Thibaut Pinot (FRA) à 3’55. 12. Jai Hindley (AUS) à 4’25. Puis: 15. Carlos Rodriguez (ESP) à 4’54. 16. Sepp Kuss (USA) à 5’43. 22. Tadej Pogacar (SLO) à 7’37. 35. Stefan Küng (SUI) à 26’21. 91. Silvan Dillier (SUI) à 36’33. 155 coureurs au départ, 154 classés. Abandon: Phil Bauhaus (GER).

Classement général (17/21): 1. Vingegaard (Jumbo-Visma) 67h57’51. 2. Pogacar à 7’35. 3. Adam Yates à 10’45. 4. Rodriguez à 12’01. 5. Simon Yates à 12’19. 6. Bilbao à 12’50. 7. Hindley à 13’50. 8. Gall à 16’11. 9. Kuss à 16’49. 10. Gaudu à 17’57. Puis: 55. Küng à 2h51’47’’. 121. Dillier à 4h32’57’’.

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