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Tout donner ou lever le pied?

Dans le sport, il y a parfois un monde d’écart. Quel comportement adopter? Tout est question de respect


 François Rossier

François Rossier

18 février 2022 à 02:01

Respect » Comment faut-il se comporter lorsque l’on domine largement son adversaire? Continuer à tout donner ou lever le pied? Ce débat ne date pas d’hier. Le monde du sport, où les écarts de niveau sont parfois abyssaux, y est régulièrement confronté. Lors des derniers Jeux olympiques d’hiver à PyeongChang en 2018, René Fasel, alors président de la Fédération internationale de hockey sur glace, avait fait part de sa déception en voyant «le comportement des Suissesses qui auraient pu lever le pied avant de jubiler après le 7-0 et d’en marquer encore un huitième» contre la Corée, équipe unifiée pour l’occasion. «Elles ont un peu manqué de respect à la Corée, c’était ridicule!» a réagi le dirigeant fribourgeois.

Le sujet est revenu sur la table ces jours après le carton de Zoug contre Ajoie en National League (11-0) ou celui, en SB League de basketball, de Fribourg Olympic face aux Starwings de Bâle (100-55). Des suiveurs et des entraîneurs ont manifesté leur désapprobation, regrettant l’attitude des équipes victorieuses. «Dans ma culture très nord-américaine, quand un adversaire a un genou à terre, tu ne lui tapes pas dessus pour l’enfoncer», a expliqué Stéphane Rochette, le consultant canadien de MySports lors de l’émission Overtime. «Il y a des trucs qui ne se font pas», a-t-il ajouté, en critiquant l’entraîneur zougois Dan Tangnes, «coupable» d’avoir envoyé ses meilleurs joueurs sur la glace lors d’une supériorité numérique en toute fin de match.

«Formater pour gagner»

Tout en précisant qu’il comprend les points de vue des deux camps, Adrien Lauper assure n’avoir jamais entendu, durant sa longue carrière, un entraîneur demander à ses joueurs de lever le pied. «Nous sommes formatés pour gagner, pour devenir meilleurs chaque jour», rappelle l’attaquant fribourgeois des Ticino Rockets, battus 34 fois en 44 matches cette saison. «Avec Biasca, nous n’avons jamais pris plus de 10 buts et nous avons toujours marqué, mais c’est vrai qu’on a ramassé quelques grosses défaites. Et dans ces cas-là, c’est plutôt nous qui avons tendance à nous relâcher et à penser au prochain match… Quand tu perds, il ne faut pas oublier que c’est d’abord de ta faute et pas de celle de ton adversaire.»

Dans le camp des gagnants, la perception est différente. «Je ne peux pas arrêter mes joueurs Il faut aussi respecter le public qui a payé pour assister au match et qui veut voir du spectacle. Les joueurs ont également un contrat à honorer vis-à-vis du club. Le but n’est toutefois jamais de démolir l’adversaire», explique Petar Aleksic, entraîneur du Fribourg Olympic. Conditionnés tout au long de la saison pour donner le maximum, les basketteurs ont intégré la philosophie de leur coach. «Si tu commences à jouer facile, tu montres tes faiblesses. Chaque minute est importante pour préparer le match suivant et les prochains gros objectifs», insiste l’ailier Slobodan Miljanic.

«L’idée n’est pas d’arrêter de jouer, mais de faire tourner tout ton banc», nuance Stéphane Rochette. Certains entraîneurs mettent à profit ces fins de match sans intérêt pour donner du temps de jeu aux joueurs de l’ombre ou lancer les plus jeunes dans le grand bain. Une approche qui a ses limites cependant. «Les jeunes ou les seconds couteaux veulent montrer de quoi ils sont capables. Ils joueront le coup à fond», assure Petar Aleksic, qui dévoile aussi d’autres aspects moins connus du grand public. «A Olympic, l’équipe reçoit une prime de la part des clubs de soutien lorsque nous atteignons les 100 points. Des joueurs veulent aussi en profiter pour gonfler leurs statistiques, ce qui leur permettra de décrocher un plus gros contrat en fin de saison», explique le coach. Cette envie de réaliser un carton plus ou moins mémorable, Adrien Lauper l’a aussi ressentie. «Je me souviens que lorsque nous étions plus jeunes, le dixième buteur était toujours fêté. Il y a aussi la confiance qui t’habite. Pas plus tard que lundi soir passé, j’ai inscrit un doublé en 20 secondes et ensuite, tout me souriait.»

Des lois non écrites

Le monde du sport est régi par une quantité de lois non écrites. Leur compréhension ou leur interprétation diffèrent d’un endroit à l’autre et d’une personne à l’autre. Au final, il semble que tout soit une question de respect. «On peut gagner 10-0 et respecter l’adversaire en ayant le triomphe modeste notamment», poursuit l’ailier des Ticino Rockets.

Sur Twitter, Jason O’Leary, ex-entraîneur des Langnau Tigers, a tenté d’apaiser les débats entre les «pro» et les «anti». «Les deux arguments sont valables. Je crois vraiment qu’aucun entraîneur ne manque intentionnellement de respect à l’autre. Je pense que dans cette ligue, certains avantages sont «moins sûrs» que d’autres. Je crois aussi que le jeu a évolué au-delà de «l’ancien code» (ce qui est malheureux)… Tous les points de vue sont intéressants!» a gazouillé le Canadien, montrant bien que chacun a sa propre sensibilité sur cette thématique pour le moins clivante.

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