Lukas Gerber. «Des maux de tête durant cinq ans»
Victime d’une commotion le 24 novembre 2012, Lukas Gerber n’a plus jamais rejoué au hockey. Il raconte
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Patricia Morand
5 décembre 2019 à 18:36
Réhabilitation » La vie de Lukas Gerber s’écrit loin des patinoires, mais pas du sport. Victime d’une commotion le 24 novembre 2012, le défenseur a entretenu l’idée de poursuivre sa carrière avant de se résoudre à raccrocher. Pour se soigner d’abord, puis pour se lancer de nouveaux défis. Le Fribourgeois de 37 ans, marié et père de trois enfants, revient sur son parcours particulier après avoir encaissé une charge terrible.
Lukas Gerber était sur le point d’obtenir son master en management au moment de sa blessure. «J’ai reporté de quelques mois ce qu’il me restait à faire. J’ai terminé en 2013 à l’échéance de mon contrat avec Gottéron.» Son état de santé a dicté son quotidien. «Un accident peut survenir en hockey où tout va très vite, souffle l’ancien défenseur. J’ai aussi été à l’origine de tels gestes… Je n’en veux pas à Friedli (l’auteur de la mise en échec, ndlr).» Emmené sur une civière puis transporté en ambulance, Gerber a perdu la mémoire de ces trente ou quarante-cinq minutes. «Je suis sorti de l’hôpital le même soir. J’avais un peu mal à la tête. Je ne pensais pas que c’était catastrophique.»
«Cela s’annonçait mal»
En 552 rencontres de National League avec Gottéron, Lugano, Bâle et Davos, le Fribourgeois avait été victime d’autres commotions. «En décembre, j’avais pris mon sac de hockey à la Coupe Spengler. Je pensais pouvoir patiner. Cela n’a pas été le cas… A l’approche des play-off (Gottéron a été jusqu’en finale, ndlr), j’ai pris des risques en poussant un peu au niveau physique pour tenter de jouer. J’ai dû refaire un pas en arrière.» Au repos total au printemps, le joueur a ensuite repris l’entraînement physique en vue de la saison suivante. «J’avais toujours des maux de tête, mais ils ne s’amplifiaient pas.» A la veille de rechausser les patins, au cœur de l’été, il a encore dû revoir ses plans. «Je n’étais pas bien du tout après une série de sprints avec rotations. J’étais toujours bloqué. Comme le patinage nécessite une grande capacité de coordination, cela s’annonçait mal.»
La carrière du sportif était compromise. «Quand on ne va pas sur la glace en août, des questions se posent… J’ai manqué l’intégralité de la saison 2013-2014. Sans changement. Une dernière expertise a révélé que, même si j’avais envie, cela ne serait plus possible de rejouer… Je me suis marié en 2011, mais la grande fête a eu lieu en janvier 2014. C’était prévu cette année-là, mais nous avons avancé la date en raison de mon état de santé et de l’attente que cela impliquait.»
Un besoin de liberté
Lukas Gerber a longtemps refusé d’évoquer sa situation, préférant que tout soit réglé avec les assurances, dont celle de l’invalidité. «J’avais 30 ans quand le hockey s’est arrêté, mais l’avantage d’avoir un papier en poche après mes études. J’avais aussi un enfant en bas âge. Cela m’a aidé dans ma réflexion. Si j’avais été quelqu’un d’autre, sans autre famille que celle du hockey, et avec un salaire plus élevé, la situation aurait été plus difficile. Pour moi, la santé était primordiale. Je tenais à ce que les symptômes disparaissent.»
«Je tournais en rond, poursuit Lukas Gerber. J’ai traversé l’Atlantique pour me soigner. J’ai commencé aux Etats-Unis à la clinique Carrick (Institut de réhabilitation neurologique, ndlr). Je ne supportais pas la thérapie. Le système Neurofeedback proposé à Montréal (traitement stimulant le métabolisme et le flux sanguin pour rétablir ou reconnecter les canaux du cerveau, ndlr) me convenait mieux.» C’était en 2014. «Je suis ensuite rentré en Suisse. Mon épouse était enceinte de notre deuxième enfant. J’ai effectué un stage chez Swiss Olympic.» L’ancien défenseur a également chaussé les patins pour le plaisir avec quelques vétérans comme Brent Reiber ou Beat Kaufmann. Sans contact. «J’étais encore dans l’expectative concernant mon état de santé. J’ai poussé pour obtenir une expertise médicale. Je voulais avancer. J’avais un projet de voyage et besoin de liberté.»
« Le hockey ne m’a jamais manqué »
Lukas Gerber
En août 2015, la petite famille – Lukas, son épouse et leurs deux enfants – a pris la poudre d’escampette pour voyager douze mois autour de la planète. Au programme: Amérique du Sud avec Chili et Uruguay, île de Pâques, Nouvelle-Zélande, Australie et Japon. «Avec Rachel, que j’ai connue voici vingt ans, à Lovens où j’habitais et avant mon premier contrat professionnel, nous avons toujours été accros de voyages. Mais c’était assez compliqué de partir en raison de sa carrière professionnelle et de mes engagements sportifs.»
Un 2e master
Convaincu de sa voie tracée dans un domaine alliant management et sport, le Fribourgeois a suivi une nouvelle formation avec master à la clé, à l’Académie internationale des sciences et techniques du sport (AISTS). «Mon épouse était enceinte. Je restais dans la région, la fondation AISTS collaborant avec l’EPFL, ainsi que les universités de Lausanne et Genève. C’était très intéressant et très international avec 35 étudiants de 27 pays différents. Mon idée était, ensuite, de me lancer dans le management sportif sur la scène internationale. Un poste disponible en Suisse…» A l’Aide sportive.
«J’ai eu des maux de tête durant cinq ans, compte Lukas Gerber. Les neurologues prétendent que les symptômes ne disparaissent pas s’ils sont toujours là après deux ans. Même chez un sportif d’élite. J’ai réussi à m’en débarrasser petit à petit.»
D’abord la mentalité
Ses déboires ne l’ont pas incité à éloigner ses enfants des patinoires. «Le plus grand va à l’école de hockey de Gottéron le samedi matin. C’est un sport génial qui cultive l’esprit d’équipe. J’ai toujours apprécié cette mentalité. Mon fils aime bien retrouver ses copains.» Quant à l’ancien défenseur, il participe de temps en temps à des réunions d’ex-Dragons. «Le hockey ne m’a jamais manqué, assure-t-il. J’ai plutôt regretté de ne plus me retrouver entre potes, en groupe. Le rôle que j’occupais sur la glace, pas le plus joli, l’explique certainement. L’activité manque sans doute plus à un artiste créatif qu’à celui qui doit planter des clous dans une planche en bois.»
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