Contre-la-montre, pour une vie

Livre » «Je t’appelle pour te dire que j’aimerais raconter ton histoire, l’écrire.» C’est par ces mots que tout commence. Tout? La complicité entre Mélanie Richoz et Jean-Marc Berset. Durant une année, celle de 2019, à raison d’un rendez-vous mensuel, la rencontre entre l’auteure – elle préfère auteure à écrivaine – bulloise et le sportif en chaise roulante a débouché sur Contre-la-montre.

Sortie en mars aux Editions Slatkine, cette biographie sur Jean-Marc Berset aurait pu être une biographie parmi tant d’autres, parmi toutes celles qui garnissent les librairies au rayon «sport». Elle aurait pu citer, point après point et durant plus de 30 ans, les exploits du Bullois sur sa chaise roulante autour d’un anneau d’athlétisme, sur la route avec son handbike ensuite.

Si le volet sportif est évoqué (comment pourrait-il en être autrement?), c’est avant tout l’homme Jean-Marc Berset qui se dévoile au fil de l’ouvrage. «J’aime le sport pour les destins qu’il raconte. Des destins comme celui de Jean-Marc Berset. Une vie brisée, une vie reconstruite, une vie vécue», écrit Massimo Lorenzi dans la préface.

Une trace à ses fils

L’homme qui se met à nu. Tout l’intérêt de l’ouvrage est là. «La carcasse d’un sportif d’élite est résistante: l’émotion n’emprunte pas le chemin des mots mais, cachée à fleur de peau, elle pulse dans chacun», écrit joliment Mélanie Richoz dans sa postface. Elle nous le dit aussi au bout du fil: «Plus que le côté athlète et champion, ce sont ses failles qui m’ont intéressée.» Et de glisser avec la pudeur de l’amitié née de leurs échanges: «Chez Jean-Marc, il y a peu de place pour les failles. Il est arrivé à dire des choses à ses fils que, comme le père, il ne leur avait jamais dites.»

La biographie de Jean-Marc Berset débute d’ailleurs ainsi: «Ma vie d’avant, mes fils ne la connaissent pas. Ils ne m’ont jamais vu debout, ni pour marcher, courir ou shooter un ballon. Pourtant, courir et shooter, c’était toute ma vie. Et quand je dis toute ma vie, je ne mâche pas mes mots…»

«C’est notre vie»

«J’ai dit oui à ce livre parce que je voulais laisser une trace à mes fils. Et aussi pour donner de l’espoir à d’autres cabossés de la vie qui se retrouveraient en fauteuil roulant, sourit Jean-Marc Berset. Parce que si c’était pour parler de sport, cela aurait signifié que ma carrière était terminée. Pour moi, le sport n’est pas fini, j’aurais certainement refusé.»

Depuis son appartement bullois où, le temps d’une heure, de deux cafés et de bricelets gentiment proposés par son épouse Fabienne, Jean-Marc Berset revient sur l’ouvrage de sa vie. Se dévoiler, lever un gros pan de son intimité, de celle de Fabienne, de sa famille, l’exercice de mémoire aurait pu s’avérer douloureux en plusieurs circonstances. Réveiller de mauvais souvenirs? Jean-Marc et Fabienne – qui a toujours adhéré à la démarche du livre – ne l’ont jamais craint. «Que voulez-vous, c’était notre vie. C’est notre vie», glisse Fabienne en regardant Jean-Marc, son mari depuis 34 ans. «Il y a des passages qui sont lourds et qui sont prenants, mais c’est notre vie. C’était comme ça, tu ne dois pas t’en cacher», corrobore Jean-Marc.

Jean-Marc Berset, «fou» roulant sur sa drôle de machine parée d’un petit drapeau gruérien. Jean-Marc Berset, personnage public que tout le monde croit connaître mais que personne ne connaît vraiment… Jean-Marc Berset, jeune homme de 60 ans avec ses doutes et ses failles que la plume sensible de Mélanie Richoz a su révéler, sans jamais tout dévoiler. Contre-la-montre, un ouvrage touchant sans être larmoyant, un exercice pleinement réussi.

Mélanie Richoz, Contre-la-montre. Biographie de Jean-Marc Berset, Ed. Slatkine, 101 pages.