Société. X, le réseau social qui insulte la science
Les menaces de mort ont explosé pendant le Covid-19 et visent aujourd’hui les climatologues. Sur X, les insultes sont monnaie courante. Interview de Didier Pittet, médecin aux HUG.
Partager
Gilles Labarthe
29 janvier 2024 à 11:00
La crise sanitaire a représenté un moment culminant dans les agressions verbales envers les virologues, médecins et pharmacologues. Le phénomène s’est depuis estompé… Tout en visant d’autres cibles, surtout via le réseau social X (ex-Twitter), mis sous enquête le 18 décembre 2023 par l’Union européenne pour «manquements présumés». Témoignage du professeur Didier Pittet, médecin-chef du Service de prévention et contrôle de l’infection aux Hôpitaux universitaires de Genève (HUG).
Vous avez fait partie des personnalités scientifiques suisses les plus médiatisées pendant la pandémie de Covid-19. Pourquoi?
Didier Pittet: A la base, j’ai une formation d’épidémiologiste de terrain et de clinicien. Je suis très présent aussi sur les plateaux de radio et télévision, d’abord en Suisse, où je suis en charge de la prévention des risques infectieux aux HUG. Pendant la première vague de la pandémie, dès mars 2020, j’ai été l’objet d’une forte exposition médiatique, en Suisse comme en France, puisqu’il s’agissait de donner des réponses rapides à la situation lors de conférences de presse. Dès juin 2020, j’ai accepté de présider une mission de cinq experts pour Emmanuel Macron – et donc j’ai aussi été traité ensuite de macroniste… La pandémie était une crise sanitaire. Nous avons tous été critiqués, ce qui est normal.
Vous avez été plusieurs fois menacé de mort. Aussi en raison de votre forte présence sur les réseaux sociaux?
Déjà avant le Covid-19, j’étais très actif en particulier sur Twitter (rebaptisé X en 2022, ndlr), le seul que j’utilise professionnellement. C’était le compte numéro un, celui qui avait le plus de followers des HUG et je crois, de la faculté de médecine de l’Université de Genève. Ceci est lié au fait que j’utilise ce compte pour promouvoir la campagne mondiale d’hygiène des mains que je dirige pour l’OMS. Pendant le Covid, les gens ont vu que j’avais ce compte et là, j’ai reçu des messages de remerciement, mais surtout beaucoup d’insultes, de messages de complotisme. J’ai été menacé de mort…
Pour quels motifs?
Parce que je faisais la promotion des gestes barrières, dont l’hygiène des mains, puisque c’est moi qui ai lancé la solution de gel hydroalcoolique dans les hôpitaux, déjà en 1994 à Genève puis en 2004 à l’OMS. Quand la population a eu besoin de gel hydroalcoolique, beaucoup de messages affirmaient que je me servais de cette promotion pour me faire de l’argent… Alors que j’ai donné cette solution à l’OMS, libre de brevet, avec la recette pour la faire.
Comment avez-vous réagi?
J’ai ignoré ces messages. Parce que ce que veulent ces complotistes, évidemment, c’est que vous répondiez, surtout si vous avez 20 000 ou 25 000 suiveurs sur Twitter alors qu’eux n’en ont que douze. Si vous répondez, potentiellement vos 25 000 suiveurs l’auront vu.
Ce contenu provient de notre ancien site web. Il est possible que sa mise en page ne soit pas idéale. En savoir plus