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Religions

L’abbé Pierre a défini sa lutte à Berne

Emmaüs International célèbre les cinquante ans de son Manifeste universel, signé au Palais fédéral

L’abbé Pierre, lors de la première assemblée mondiale d’Emmaüs, le 24 mai 1969 dans la salle du Conseil national, à Berne.

 Pascal Fleury

Pascal Fleury

18 mai 2019 à 04:01

Jubilé » «Refaire le monde, c’est possible, à condition que l’on s’y mette tous, chacun à sa mesure.» Il y a 50 ans, l’abbé Pierre réunissait à Berne, dans la salle du Conseil national, 150 délégués des groupes Emmaüs de vingt pays pour signer le Manifeste universel, texte fondateur du mouvement Emmaüs International. Le 24 mai prochain, le mouvement proclamera à nouveau ses valeurs au Palais fédéral, lors d’une grande rencontre festive qui sera suivie d’un rassemblement populaire à la Waisenhausplatz. Les explications du président d’Emmaüs Suisse, François Mollard.

La première assemblée internationale d’Emmaüs a eu lieu à Berne. Pourquoi?

François Mollard: Tout est parti de ce qui aurait pu être un drame. En 1963, l’abbé Pierre, qui multipliait les voyages pour témoigner de sa lutte contre la misère, échappe de justesse à un naufrage dans le Rio de la Plata entre l’Uruguay et l’Argentine, à bord du Ciudad de Asunción. Annoncé comme mort dans les médias, il réalise qu’il est le seul lien, avec sa secrétaire Lucie Coutaz, entre les groupes Emmaüs disséminés à travers la planète. Avec son entourage, il imagine alors la création d’une association internationale et met sur pied un conseil provisoire de cinq membres d’Emmaüs expérimentés, dont le Suisse Marcel Farine. Président de la Fédération suisse d’Emmaüs, Marcel Farine avait des relations avec le monde politique. C’est ainsi que la première assemblée internationale a pu avoir lieu au Palais fédéral, à la Pentecôte 1969.

Le but de cette rencontre était l’adoption d’une charte fondatrice pour le mouvement...

Oui, le Manifeste universel. C’est en quelque sorte le «socle» du mouvement international. Ce document a été préparé par Jean Hossenlopp, membre du secrétariat, et soumis à large consultation avant d’être ratifié à Berne. Il renvoie aux valeurs fondamentales d’Emmaüs. C’est la solidarité humaine, basée sur l’accueil inconditionnel de toute personne dans le besoin. C’est la solidarité économique, grâce à la mutualisation des ressources des groupes à travers le monde. C’est enfin la solidarité politique, par une prise de parole, des campagnes d’interpellation politique en collaboration avec d’autres mouvements, sur des sujets comme la faim, la démocratie, les migrations ou la justice sociale. Il est frappant de voir à quel point, 50 ans après, ce manifeste reste plus que jamais d’actualité!

La rencontre de 1969 a aussi été l’occasion de dessiner une structure du mouvement international. Il fallait favoriser les échanges et mieux coordonner les actions. Emmaüs International est né en 1971, lors de l’adoption de ses statuts à Montréal.

Cet anniversaire correspond aussi aux 70 ans d’Emmaüs...

La première communauté d’Emmaüs est née dans les années difficiles de l’après-guerre. En 1949, l’abbé Pierre, qui avait acquis une maison à Neuilly-Plaisance, dans la banlieue de Paris, accueille un premier compagnon, Georges Legay, puis une famille expulsée de son logement. Comme il n’a rien à leur offrir, il leur propose de l’«aider à aider les plus pauvres». D’autres communautés voient le jour, avec des compagnons aubergistes ou chiffonniers. Puis vient l’Appel de l’hiver 1954, alors que des gens meurent de froid dans la rue. A la radio, il interpelle les autorités et la population pour héberger ces «couche-dehors». Sa notoriété internationale date de là. Dès lors, il va donner des conférences et rencontrer des personnalités politiques à travers le monde entier pour promouvoir cet accueil inconditionnel des plus pauvres.

Les commémorations auront lieu au Palais fédéral, comme il y a 50 ans. C’est assez exceptionnel...

Nous avons pu compter sur le soutien du conseiller fédéral Alain Berset, de l’ancien président du Conseil national Dominique de Buman, qui s’est investi corps et âme dans le projet, et de l’actuelle présidente Marina Carobbio, qui s’exprimera durant la partie officielle. Seront présents plus de 200 représentants d’Emmaüs International et des invités de marque. Plusieurs anciens de 1969, des proches de l’abbé Pierre et des délégués témoigneront des origines du mouvement, évoqueront son évolution et aborderont son avenir. L’événement sera retransmis en direct sur internet. Aujourd’hui, Emmaüs International, c’est 350 organisations dans 37 pays.

Quelle est la situation en Suisse?

La fédération suisse, créée en 1958, compte 8 communautés, à Fribourg, Carouge (dès 1956), Etagnières (VD), Sion, La Chaux-de-Fonds, Bümpliz (BE), Dübendorf (ZH) et Rivera (TI). Elle emploie environ cinquante salariés et accueille cent compagnons tout au long de l’année. Ils sont nourris-logés-blanchis et peuvent travailler dans les divers services de la brocante, jusqu’à ce qu’ils arrivent à retrouver un projet de vie. Nous avons aussi une brocante à Boncourt (JU) et deux ONG à Berne, Kinderhilfe et Fairmed, actives à l’étranger. Emmaüs ne bénéficie d’aucune subvention étatique.

Notre priorité pour l’avenir restera l’accueil inconditionnel, y compris des migrants, dans le respect de la législation et d’un commun accord avec la police des étrangers. Nous voulons aussi nous engager davantage dans le débat politique concernant la lutte contre la pauvreté. Comme j’aime à le dire: manifestons-nous contre l’impossible pour que tout soit possible!

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