Logo

Page jeunes

Des hommes contraceptés

De plus en plus d’hommes cherchent à prendre la responsabilité de la contraception dans le couple. Mais cela peut s’avérer compliqué


 Amédée Hirt

Amédée Hirt

11 juillet 2022 à 15:28

Temps de lecture : 1 min

Enquête » «Ma copine a décidé d’arrêter la pilule, qui ne lui convenait vraiment pas. On a cherché une autre solution», explique Michaël. Il trouve la solution sur internet sous la forme d’un anneau en silicone proposé en France. Depuis 6 mois, il l’enfile tous les jours pendant 15 h autour de sa verge et de son scrotum afin de faire remonter ses testicules à l’intérieur du corps pour en augmenter la température. Les fabricants de l’anneau, se basant sur le principe de la contraception masculine thermique (CMT) développée par le Dr Roger Mieusset, estiment que ce réchauffement permet un ralentissement suffisant de la spermatogenèse pour provoquer une infertilité reversible.

Nathan, lui, a utilisé pendant un an et demi un slip chauffant les testicules, via une batterie, à porter 4 heures par jour, commandé également en France. Tout comme pour Michaël, sa partenaire d’alors désirait arrêter de prendre un contraceptif hormonal. S’il a aujourd’hui arrêté, le jeune Sarinois relate une expérience positive. La seule contrainte, pour les deux hommes, est de penser à enfiler le dispositif chaque jour. «Ça équilibre un peu les choses quand ta copine a pris la pilule pendant sept ans», relativise Nathan.

Un suivi nécessaire

Les deux jeunes Fribourgeois ont trouvé eux-mêmes la littérature scientifique traitant de la CMT. Ils n’ont toutefois rien entrepris sans consulter un médecin. Face à leurs demandes, le corps médical s’est montré tantôt prudent, tantôt curieux. Ils ont tout de même obtenu le suivi nécessaire. Des spermogrammes réguliers, avant, pendant et après la contraception, sont nécessaires pour vérifier la concentration de spermatozoïdes. Cependant, au-delà de 4 ans d’utilisation, les promoteurs de la CMT ne garantissent pas, pour l’instant, un retour à une fertilité complète en cas d’arrêt.

« Ça équilibre un peu les choses quand ta copine a pris la pilule pendant sept ans »

C’est là le principal défaut de la méthode thermique: «Il manque à ce jour des études scientifiques en nombre suffisant concernant l’efficacité et la sécurité de cette méthode. Les personnes l’utilisent sous leur propre responsabilité», indique le Centre fribourgeois de santé sexuelle (CFSS). L’anneau contraceptif a même été interdit à la vente en France, faute de certification.

Pourtant, la demande est là. Au CFSS, et chez Bloom, boutique dédiée à la santé sexuelle à Fribourg, le constat est le même: les hommes s’intéressent de plus en plus à participer à la charge contraceptive, via une contraception masculine. Michaël et Nathan peuvent tirer le même constat de leurs échanges avec leur entourage. Nombre de leurs amis ont été très intéressés par leur expérience.

« Il manque à ce jour des études scientifiques en nombre suffisant concernant l’efficacité et la sécurité de cette méthode »

En attendant de nouvelles recommandations des autorités sanitaires, les seules formes de contraceptions masculines reconnues en Suisse sont pour l’instant la vasectomie et le préservatif.


Contraception masculine: 
on avance?

Trouver de nouveaux moyens de contraception pour les hommes: pas si facile, mais pas impossible.

Les préservatifs et la stérilisation sont les deux moyens les plus répandus en matière de contraception masculine. Pour trouver d’autres moyens fiables, il faut se tourner vers des professionnels de la santé sexuelle. Ceux-ci sont aptes à conseiller correctement les hommes ou couples qui désirent trouver de nouvelles idées pour la contraception.

Les conseillers sur la santé sexuelle sont prêts à répondre aux demandes grandissantes venant des hommes. Cependant, «il est encore difficile de les diriger vers des méthodes reconnues», indique Carole Bielmann Brodard, cheffe de secteur du Centre fribourgeois de la santé sexuelle (CFSS). De ce fait, les conseillers du CFSS orientent fréquemment leurs clients vers le site internet de leur association faîtière www.sex-i.ch, sur lequel on trouve des informations sur les différents moyens de contraception masculine en cours d’élaboration.

La contraception masculine est en retard sur la féminine. Les femmes ont longtemps été vues comme celles qui devaient la prendre en charge, la société patriarcale les ayant désignées comme responsables des grossesses. Avec les nouvelles envies d’égalité entre hommes et femmes, les idées sur la contraception changent et les hommes désirent de plus en plus s’y intéresser. De nouvelles méthodes sont par ailleurs en cours d’élaboration: pilule masculine, injections hormonales ou encore Andro-switch (un anneau qui rapproche les testicules du corps, empêchant ainsi la fabrication de spermatozoïdes, ndlr).

Malgré la différence de développement entre les moyens contraceptifs masculins et féminins, les hommes commencent à avoir plus de choix que les préservatifs et la stérilisation. Les nouvelles idées contraceptives sont encore en phases de test, mais on pourra les trouver sur le marché suisse, lorsqu’elles auront été certifiées fiables. Clem Chuat


«C’est une responsabilisation des hommes»

Les jeunes se prononcent au sujet de la contraception masculine...

Guihlem Demierre, 20 ans, Neyruz: «Je préfère privilégier les méthodes prouvées et attestées» 

«Je dois avouer que ce qui me vient en premier quand on me parle de contraception masculine, ce sont les préservatifs et la vasectomie. En ce qui concerne la vasectomie, il est possible que je l’utilise, mais seulement quand je serai persuadé que je ne veux plus d’enfant. Je me suis bien sûr déjà renseigné sur les autres méthodes, mais la plupart de celles-ci ne me convainquent pas. Je ne souhaite pas, pour le moment, les utiliser, car elles comportent un trop grand risque à la fois de grossesse, mais aussi pour ma santé. Je préfère privilégier les méthodes prouvées et attestées par les médecins. Et je n’utiliserai jamais les possibles futures méthodes hormonales car elles pourraient avoir un effet que je ne souhaite pas sur mon corps. Evidemment, pour moi, les tâches contraceptives doivent être partagées et égalitaires. C’est pour ça que je ne demanderai jamais à ma copine de prendre la pilule, par souci de réciprocité.»

 

Samy Chiarelle*, 19 ans, Bulle: «Considérer le coût, l’efficacité et la santé»

«C’est un sujet qui m’intéresse – bien que n’étant pas un expert – parce qu’il concerne à peu près tout le monde. C’est un thème qui devrait être discuté et démocratisé dans le domaine public, et ce aussi parce qu’il est féministe. Ça l’est de la même façon que le congé-paternité, puisqu’on égalise les responsabilités et les devoirs dans les deux cas. Je vois ça comme une responsabilisation des hommes. Donc, c’est important de se renseigner et de donner sa position. Pour ma part, je ne suis pas contre tester ces nouvelles méthodes dans le futur. Ce qui va décider de si je le fais ou non, ce sont trois aspects: le coût, l’efficacité et la santé. En revanche, je pense que je ne ferai jamais de vasectomie. Parce que même si je pense davantage à l’adoption, je n’ai pas envie de prendre une décision aussi lourde alors que je ne sais pas dans quelle situation je serai dans vingt ou trente ans. Je ne veux pas avoir de regrets à ce sujet-là.»

*Prénom d’emprunt 

 

Marjolaine Sauteur, 19 ans, Cottens: «intéresser les hommes à la contraception féminine»

«Je trouve que les recherches sur la contraception masculine peuvent montrer aux hommes qu’ils ont une place à prendre dans ces débats-là, ce qui permettrait de baisser la charge mentale des femmes. En plus, en discutant de ce sujet, on parle aussi du respect qu’on doit avoir envers ceux avec qui on a une vie sexuelle. Je pense que le fait que ce sujet s’ouvre pour les hommes peut les faire s’intéresser à la contraception féminine et, possiblement, remettre en question leurs avis sur le sujet, dans l’idée de faire évoluer les mentalités. Personnellement, je me sentirais plus à l’aise si on m’enlevait l’angoisse de tomber enceinte, mais je ne demanderai jamais à mon partenaire de faire une vasectomie par exemple. Je ne peux obliger personne à faire quoi que ce soit. En revanche, je trouve ça important d’en parler, comme de tous les sujets tabous qu’il peut y avoir dans un couple.»

Louis Birbaum

Ce contenu provient de notre ancien site web. Il est possible que sa mise en page ne soit pas idéale. En savoir plus