Balade dans le Jutland
Nana Miller était loin de se douter qu’elle allait enquêter sur la mort d’une sirène quand, sur un coup de tête, elle s’en est allée pour Copenhague ce matin-là.
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Yvan Pierri
24 février 2024 à 11:14
Critique BD » Le duo composé de la scénariste Anne-Caroline Pandolfo et du dessinateur danois Terkel Risbjerg s’en revient en ce début d’année 2024 avec un nouvel ouvrage. Résolument à l’image de ses créateurs, le roman graphique met en scène dans son récit une collaboration franco-danoise décalée et attachante teinté d’un certain romantisme suranné. Sans révolutionner son monde, l’objet se laisse néanmoins lire avec facilité.
Sur une impulsion, Nana Miller (une française donc…) s’envole pour Copenhague, “la ville des contes de fées”. Une fois arrivée sur le sol danois, elle déchante rapidement. En effet, la capitale est comme paralysée et une frénésie chaotique semble conquérir la ville alors que les Danois apprennent une nouvelle terrible : une sirène a été retrouvée morte sur les quais. Réprimandée par sa fille adolescente, qu’elle a laissée toute seule à Paris sans prévenir, Nana Miller n’arrive pas même à se trouver un logement, le personnel des hôtels ayant déserté face à la nouvelle. C’est alors qu’elle fait la rencontre de Thyge Thygesen, un Danois francophile très excentrique qui ne se sépare jamais de son caniche rose. C’est pour Nana le début d’une aventure trépidante…
En lisant Copenhague, on ne peut qu’être impressionné par l’évidente maîtrise de Risbjerg. Le dessinateur cultive en effet un style faussement brouillon évoquant à la fois l’immortelle ligne claire et le côté naïf et gribouillé de certaines bd’s à destination des enfants. Cette hybridation est servie par une excellente connaissance du mouvement couplée à une compréhension exemplaire de la gestion de l’espace et des perspectives. En effet, le dynamisme qui se dégage des séquences d’action ou des passages oniriques est saisissant grâce au découpage intelligent de Risbjerg qui fait souvent la part belle aux espaces négatifs.
On aurait souhaité que l’histoire soit à la hauteur de l’esthétique. Le scénario de Pandolfo n’a rien de honteux, il faut le dire. L’intrigue est bien racontée et le lecteur tournera les pages sans déplaisir. Là où le bât blesse, c’est que le tout se montre à plusieurs reprises quelque peu convenu. En effet, si la naïveté de la forme épouse celle du fond, elle le fait parfois au détriment d’une certaine cohérence dans le ton. L’intrigue demandera parfois au lecteur des efforts de suspensions d’incrédulité, tant certaines décisions de personnages paraissent parfois inconsistantes. Un certain goût pour le cartoon et l’absurde dans la caractérisation de Nana et Thyge aide à faire passer la pilule mais on ne pourra s’empêcher d’occasionnellement croire que les auteurs camouflent quelques facilités d’écriture derrière le ton enlevé du récit. Cela est d’autant plus flagrant quand l’histoire s’éloigne du doux réalisme magique de son argument pour prendre des atours plus sombres et adultes qui ne se marient pas tout à fait avec l’ambiance générale du projet. C’est au détour d’évocations un peu hasardeuses des événements de ces dernières années que les lecteurs les plus pointilleux risquent de ressentir le plus de perplexité.
C’est d’autant plus regrettable que le postulat Pandolfo relève d'une redoutable poésie. La plus belle idée du récit étant définitivement la mort d’une sirène qui s’abat comme coup si fort dans l’âme danoise qu’elle en paralyse tout un pays…
Qu’à cela ne tienne, les qualités de Copenhague sont absolument indéniables et l’album saura ravir les bédéphiles en mal de romantisme douillet et scandinave (oui c’est possible !).
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