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Culture en jeux

Alors que le jeu vidéo gagne en légitimité, institutions culturelles et artistes en quête d’audience investissent ces temples numériques


Thierry Raboud

Thierry Raboud

19 février 2021 à 14:01

Temps de lecture : 1 min

Pixels » Bienvenue sur l’île du bonheur, où il fait bon planter des tulipes, s’adonner à la pêche, décorer son intérieur et faire connaissance avec des voisins souriants. Sanctuaire du mignon, le jeu Animal Crossing vous invite à baguenauder dans une virtualité sans aspérité, barbouillée de couleurs éclatantes, saturée de jovialité enfantine.

Personne ne viendrait à l’idée de s’y morfondre, sur cet archipel aux 30 millions d’amis, tous plongés dans l’univers heureux ouvert par leur Nintendo Switch en mars 2020, alors que la planète s’enfonçait dans un confinement sans horizon – formidable coïncidence qui a propulsé la franchise dans le top des jeux les plus vendus de l’histoire de la console. Et si l’on ne s’ennuie pas (trop) dans ce primesautier dérivatif numérique, c’est que son modèle de jeu ouvert favorise les initiatives individuelles, permet à chacun de cultiver son jardin mais aussi sa créativité.

Pixels décoratifs

Plusieurs musées ont donc rejoint l’île de la tentation. Au début du mois, la Fondation Beyeler ouvrait ainsi ses portes numériques. On s’y promène entre Monet et Malevitch, saluant au passage Le Penseur de Rodin tout en profitant des nobles volumes dessinés par Renzo Piano. Une manière de «faire revivre l’idée du musée en tant que lieu potentiel de calme et de réflexion», clament les communicants de la fondation bâloise. Avant elle, de nombreuses institutions ont franchi le gué, dont le Met ou le Getty Museum, qui ont transposé leurs chefs-d’œuvre en tas de pixels à vocation décorative.

 

Sur Animal Crossing, l’artiste américaine Julia Maiuri a même ouvert une galerie d’art, dotée d’une véritable programmation. «Il s’agissait d’abord d’une forme d’échappatoire face à la pandémie, mais c’est rapidement devenu un moyen pour construire une communauté, pour questionner l’état actuel du monde en élargissant la perspective de ce qu’est l’art», explique la curatrice du MoCAK, qui y a organisé 13 expositions monographiques l’an passé. «J’ai choisi les artistes en fonction de mes affinités, mais aussi de la faisabilité de répliquer leurs œuvres à l’intérieur du jeu.»

Quant au Musée d’histoire naturelle d’Angers, il a organisé des visites virtuelles dans le musée présent à l’intérieur du jeu, qui met en vitrine différentes espèces. «J’ai exploité ce lieu pour en faire un support de médiation, en créant des liens avec nos propres collections. Comme on ne peut pas accueillir plus de sept personnes sur une île, j’ai fait des visites guidées en petit groupe, avec Skype en parallèle pour pouvoir répondre aux questions et présenter les espèces mises en évidence dans le jeu», explique Léo Tessier. Le médiateur culturel a organisé ses dernières visites pendant les vacances de Noël. Il n’en refera probablement pas d’autres. «J’ai eu des retours enthousiastes, et l’expérience a prouvé que le jeu vidéo était un support pertinent pour faire de la médiation. Mais la plateforme n’est pas conçue pour cet usage, les contraintes techniques sont nombreuses. Les éditeurs de jeu devraient se rapprocher des institutions culturelles, car il y a un réel potentiel!»

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