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Vie numérique: Les bonnes résolutions

Ce qu’ils font de nos données

Nous avons généreusement offert notre vie en pâture sur la toile, et des géants s’en sont emparés

L’extension Lightbeam pour Firefox permet de visualiser les logiciels espions qui traquent votre comportement sur le web et récoltent vos données. Ici après quelques jours de navigation…

 Thierry Raboud

Thierry Raboud

6 janvier 2020 à 19:35

Vie numérique (1/4) » Nouvelle année, nouvelles résolutions: l’occasion de prendre meilleur soin de cette vie en ligne qui nous augmente et nous asservit. Premier volet: le grand marché de nos données.

Ils savent tout de nous. Et pour cause, nous avons offert aux géants du numérique nos peines et nos joies, nos confidences et nos photos de famille, nos goûts et nos interrogations. Comme si notre existence, désormais, était prise au piège de cette toile infinie. S’il semble impossible de s’en extraire totalement, il apparaît plus que jamais salutaire de protéger ce qu’il reste de notre intimité, à l’heure où nos faits et gestes sont traqués puis transformés en valeur marchande.

Pour éclairer les mécanismes à l’œuvre dans ce vaste monde connecté, interview de Sylvain Métille, professeur à la Faculté de droit de l’Université de Lausanne qui organise une conférence publique sur le sujet le 28 janvier à l’occasion de la journée mondiale de la protection des données. Car reprendre le contrôle de sa vie numérique, c’est avant tout prendre conscience de ce qu’elle est.

Pourquoi qualifie-t-on nos données personnelles comme le «pétrole du XXIe  siècle»?

Sylvain Métille: La technologie numérique permet aujourd’hui de traiter un grand nombre d’informations sur un grand nombre de personnes. Des données collectées par des organismes qui les revendent à des annonceurs, afin que la publicité livrée au consommateur corresponde le plus exactement à son profil, et qu’elle ait le plus de chances de capter son attention. Avant, le commerçant du coin mettait des années à connaître précisément les préférences de ses clients pour s’y adapter: il peut désormais faire l’acquisition de ces données à un tiers, ce qui lui donnera un réel avantage compétitif.

Concrètement, qui récolte nos données numériques?

Toutes les organisations qui participent à votre vie, notamment numérique. Cela peut être un émetteur de carte de crédit, un navigateur internet, un moteur de recherche, mais aussi les réseaux sociaux sur lesquels vous vous exprimez.

Sans compter ces logiciels qui surveillent votre navigation…

Les sites sur lesquels vous naviguez enregistrent votre comportement à l’aide de petits espions publicitaires qui vous suivent d’un site à l’autre et peuvent ainsi établir un profil précis de vos habitudes. Par exemple, les boutons «j’aime» disposés sur des sites autres que Facebook permettent ce suivi. C’est ainsi qu’on donne, plus ou moins consciemment, la possibilité à quelques grands acteurs du numérique de faire le lien entre toutes nos activités, qui vont de nos déplacements géolocalisés à nos recherches internet, en passant par notre score de solvabilité financière.

Qu’est-ce que ces grandes entreprises peuvent déduire du recoupement de ces informations?

Aux Etats-Unis, Google a passé un accord avec un fournisseur de cartes de crédit pour obtenir aussi des informations sur les achats «hors ligne», et on imagine bien la précision des profils qu’il peut ainsi établir. Autre cas de figure: vous avez le même fournisseur d’accès pour internet et la télévision, celui-ci peut donc savoir quel film vous regardez, mais aussi à quel moment vous zappez et pendant quelle publicité… Dernier exemple: lorsqu’un couple se sépare, le fabricant d’un smartphone le saura avant les amis proches. Pendant une longue période, deux smartphones s’allument et s’éteignent au même endroit et à la même heure. Un jour, ils s’allument à d’autres moments, en d’autres lieux. Le fabricant saura alors que le couple fait chambre à part, et pourra lui proposer de la publicité ciblée pour des avocats spécialisés dans le divorce. Tout cela est techniquement possible.

Un profilage qui n’est pas que numérique, vu que les enseignes du commerce de détail le font aussi avec les cartes de fidélité…

Ces cartes offrent des rabais au consommateur, mais permettent surtout de connaître ses achats, et de l’associer à l’un des profils types préétablis. La publicité qu’il reçoit est ensuite précisément définie en fonction de ces profils. Vous et moi ne recevons pas les mêmes rabais. Si vous correspondez à un profil de jeune père de famille mais que vous achetez vos couches ailleurs, vous recevrez une offre ciblée pour vous faire acheter ce produit en particulier.

« Il est probable que dans un avenir proche, des produits soient vendus à des prix adaptés au profil du consommateur »

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