La veloutée plane, spirale à poils

Drôle de bêtes » Cette semaine, La Liberté s’associe à la Revue Salamandre pour vous emmener à la rencontre de six animaux vraiment insolites qui vivent tout près de chez vous.

Pour avoir une chance de voir notre escargot, mieux vaut partir sous la pluie lors d’une fraîche matinée d’automne que sous un soleil estival. Nous avons donc attendu une météo écossaise pour suivre la trace baveuse de la veloutée plane. Et, à la nuit tombée, dans une vieille forêt, elle était là! A côté d’un petit-gris et de quelques limaces, le mollusque se mouvait – lentement évidemment – sur une vieille souche colonisée par plusieurs champignons.

Comme tous ses congénères, la veloutée plane apprécie donc les journées humides. Mais, Helicodonta obvoluta, son nom scientifique, a une particularité bien à lui: il est recouvert d’un duvet. «C’est une espèce qu’on prend régulièrement en exemple quand on parle d’escargot à poils. Il y a vraiment des individus avec une densité de poils assez impressionnante», témoigne Olivier Gargominy, chercheur au Muséum national d’histoire naturelle à Paris. Il est l’un des experts de cette espèce.

Cette pilosité est plutôt présente chez les jeunes individus et pousse sur la couche organique de la coquille, sur laquelle l’escargot plaque du calcaire pour solidifier son armure. «Le fait d’avoir des poils, c’est un caractère très ancestral. Il y a plusieurs espèces escargots qui en ont, alors que leur ancêtre commun vivait dans la mer. On peut donc estimer que les premiers poils chez ces mollusques datent de la période où ils ne vivaient pas encore sur terre», explique Olivier Gargominy.

Mais à quoi sert cette toison? Cela reste un mystère pour la science, même si plusieurs hypothèses tiennent la route. «On ne connaît pas vraiment l’utilité de ces poils. Mais sous nos latitudes, ce sont des escargots de litière, ceux qui vivent au sol, qui en portent. On peut penser que leurs poils, à la fois souples et rigides, les protègent des chocs. Si l’escargot tombe ou se fait écraser sous une branche, ils peuvent le sauver. Mais en même temps, des escargots qui vivent exactement dans les mêmes conditions n’ont pas de poils, eux», poursuit le spécialiste.

Pour le reste, notre mollusque ressemble à un véritable escargot. Comme les autres représentants de cette famille, la veloutée plane a deux paires de tentacules. Ceux du haut, plus longs, sont terminés par les yeux. Mais ce sont surtout les «cornes» du bas, tactiles et olfactives, qui lui sont utiles pour se repérer.

Un marathon amoureux

Mais ce que les spécialistes préfèrent chez ce gastéropode, ce sont ses mœurs amoureuses. «L’accouplement dure plusieurs heures. Ce temps inclut la rencontre et l’accouplement à proprement parler», sourit François Claude, collaborateur scientifique chez Info Fauna.

Au début de la valse, les deux veloutées planes se font face. Elles s’éloignent et se rapprochent à une quinzaine de reprises, effectuant des cercles consécutifs de 9 cm de diamètre au début, puis se resserrant peu à peu. Un vrai marathon pour ce gastéropode qui ne parcourt que quelques mètres par mois.

Un tel effort l’épuise… à mort. «Après l’acte de reproduction, les individus sont au repos pour un moment. Il n’y a souvent qu’une ponte au cours de leur vie. Beaucoup vont mourir ensuite, car ils perdent un poids considérable et sont affaiblis», poursuit François Claude.

Quelques jours après l’accouplement, chacun des deux partenaires hermaphrodites pond entre 10 et 20 œufs dans du bois pourri. Recouverts d’une couche protectrice de mucus, ils y incuberont entre deux semaines et un mois, selon la température. Ensuite, des bébés poilus écloront. Une certaine idée de la mignoncité.