Laurent Passer. «Je suis attaché à ce rôle de passeur»
L'invité du lundi • Laurent Passer, le président du «parlement» des catholiques fribourgeois, est désormais commandeur de l’Ordre de saint Grégoire-le-Grand. Et cet honneur lui a été octroyé, excusez du peu, par le pape François…
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2 avril 2014 à 16:42
Le mieux, si on devait faire court, serait d’évoquer ce qu’il ne fait pas. Où trouve-t-il le temps? A côté de son travail de juriste, Laurent Passer collectionne les activités. En particulier les présidences d’associations et de groupements ecclésiaux ou culturels, par exemple le conseil paroissial de la Paroisse du Christ-Roi de Fribourg et l’Assemblée ecclésiastique catholique-romaine du canton de Fribourg.
Trente ans d’engagement au service de l’Eglise et d’autres causes, c’est bien beau, sauf que cela ne met pas à l’abri des honneurs. L’an dernier, le Fribourgeois a été promu officier dans l’Ordre des palmes académiques par le Gouvernement français. Cette année, n’en jetez plus, il a été fait commandeur de l’Ordre de saint Grégoire-le-Grand sur décision du pape François. Et il en recevra les insignes ce mardi des mains de Mgr Morerod…
- Laurent Passer, quand le Vatican vous a distingué en février dernier, que vous a inspiré pareil honneur?
J’ai été surpris et heureux, puis j’ai reçu cette nouvelle naturellement. Tiens, oui, après tout, cela s’inscrit dans un long parcours au service de l’Eglise catholique. Là-dessus, ma femme m’a dit que c’était mérité, si bien que j’ai accepté volontiers ce point de vue.
- Les insignes de l’Ordre de saint Grégoire-le-Grand vous ont-ils été attribués pour un motif précis?
Non, à ma connaissance, aucun motif particulier. Je sais simplement que l’Ordre équestre de saint Grégoire-le-Grand a été créé en 1831 par le pape Grégoire XVI et qu’il était conféré à l’origine pour des services de défense des Etats pontificaux. A présent, il est attribué à des laïcs catholiques en reconnaissance de leurs services rendus d’une manière générale à l’Eglise.
- Les décorations ne sont que pures vanités. Quand on croit au ciel, comment peut-on y être sensible?
En Suisse, où on est heureusement égalitaire, où on ne décore pas les gens, les distinctions suscitent deux genres de réactions. Soit on vous en félicite en saluant vos mérites, soit on trouve cela injustifié ou on en rigole. S’il ne faut pas leur accorder trop d’importance, ces récompenses n’en sont pas moins des cadeaux et il est permis de les recevoir avec gratitude. Saint Paul affirme dans sa première épître aux Corinthiens que seules comptent «les couronnes qui ne se fanent pas». La vraie couronne que j’espère, en tant que chrétien, seul le ciel pourra donc me la donner. Toutes les autres ont un caractère terrestre dont j’ai conscience…
- Vous qui avez vos entrées à Rome et avez rencontré ses deux prédécesseurs, avez-vous déjà eu l’occasion de saluer le pape François?
Non, mais je compte lui serrer la main dans le courant de l’année. Cela dit, pour suivre son actualité au quotidien, c’est quelqu’un qui me semble familier. Je lis tous les jours le pape François, de ses tweets à ses discours plus longs.
- Ce pape qui décoiffe et retourrne certaines tables a le don de faire bouger la maison, n’est-ce pas?
S’il a changé beaucoup de choses par son comportement, par sa simplicité, il ne remet pas en question la doctrine. Les fondamentaux restent inchangés, mais oui, François est bel et bien le pape de la miséricorde. Oui, il met l’accent sur la lutte contre la pauvreté et d’autres aspects de la lumière du Christ. Cependant, il rappelle aussi à ses contemporains qu’il y a des règles. Il nous met face à nos insuffisances, à nos lâchetés. Au lendemain de son élection, où on l’invitait à dire qui était Jorge Bergoglio, il a fait cette réponse qui résume tout: «Je suis un pécheur sur lequel le regard aimant du Seigneur s’est posé.»
- Le vent nouveau qu’il fait souffler sur l’Eglise se fait-il sentir jusque dans les paroisses de la région?
Nous avons davantage de joie qu’auparavant dans notre diocèse, et nous venons encore de le voir avec le petit clip du 1er avril réalisé par notre trio épiscopal. Ce poisson d’avril était amusant et possédait un bel esprit, ainsi qu’une certaine élégance. Le diocèse de Lausanne, Genève et Fribourg a retrouvé toute sa joie sereine avec l’arrivée de Mgr Charles Morerod et, ensuite, l’élection du pape François a encore renforcé ce courant.
- Votre foi, elle, d’où la tenez-vous?
J’ai grandi en ayant des parents qui n’étaient pas de grands pratiquants, mais qui m’ont laissé vivre ma foi d’enfant. J’ai été servant de messe et j’ai entretenu ma foi dès ma scolarité. Pour avoir suivi l’école privée et très catholique Saint-Charles à Fribourg, j’ai baigné dans un fort environnement religieux. Nous, les élèves, faisions des concours de chapelets et pouvions réciter par cœur des chapitres entiers de la Bible des petits. Ma foi adulte s’est affirmée ensuite par des lectures, la fréquentation des sacrements, puis surtout par des personnes et des témoins rencontrés sur une route que je continue d’emprunter car, à mes yeux, la foi est un chemin et non un point d’arrivée. C’est une rencontre avec le Christ.
- La prêtrise vous a-t-elle tenté?
Vu ma fascination pour la romanité, dans ma jeunesse, mes parents étaient persuadés que je deviendrais prêtre. D’ailleurs, avec la famille, j’ai pu aller pour la première fois à Rome en avril 1977 et ce fut pour moi un éblouissement. Seulement voilà, je n’avais pas cette vocation.
- Sinon, siéger dans d’innombrables assemblées, n’est-ce pas lassant?
Comme c’est souvent moi qui les préside, non, aucun ennui! J’essaie d’être le chef d’orchestre qui tente de faire jouer son ensemble le plus harmonieusement possible. M’impliquer comme médiateur entre les gens donne aussi un sens à mon engagement. Je suis attaché à ce rôle de passeur, donc, et c’est un Passer qui le dit!
- Vos obligations vous laissent-elles le temps d’aller à la messe?
Oui, parfois deux fois par week-end et souvent en différents endroits compte tenu de mes diverses activités. Ce rendez-vous est essentiel dans ma vie et à chaque fois une grande joie.
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Ce que Laurent Passer confesse…
> Une qualité qu’il croit avoir: «La fidélité.»
> Un défaut qu’il sait avoir: «Mon caractère insistant car, dès qu’il s’agit d’obtenir quelque chose, j’insiste beaucoup.»
> Le péché pour lequel il a le plus d’indulgence: «La gourmandise.»
> Une gourmandise, justement: «Restons fribourgeois et disons le jambon à la borne.»
> Une boisson qui le grise: «Le single malt, que j’essaie de savourer en amateur éclairé.»
> Sa ville fétiche: «Rome, mais aussi Paris.»
> Un pays où il pourrait vivre: «La Transylvanie, ou sinon la Toscane.»
> Un film culte: «J’adore «Gran Torino» et, d’une manière générale, tout Eastwood.»
> Des airs qui l’accompagnent: «Toute la musique de Ravel et, comme chanson, ce serait «Foule sentimentale» de Souchon.»
> Une belle femme: «A part ma femme et mes filles, Audrey Hepburn.»
> Quelqu’un qu’il admire: «Je pense à ce frère qui m’a été donné par la vie et qui est prêtre dans le sud du canton de Fribourg.»
> Un saint très cher à son cœur: «Le bienheureux Jean Paul II qui sera canonisé le 27 avril prochain. Heureuse coïncidence pour moi, qui préside l’Association romande pour la béatification de Jean Paul II, ce jour-là sera également celui de mes cinquante ans.»
> Un pape qu’il aime particulièrement: «Benoît XVI, pour sa grande force de caractère et son intelligence. Sans oublier l’humilité avec laquelle il a quitté ses fonctions.»
> Ce qui l’énerve: «Je perds patience face au manque de générosité et devant la mesquinerie tant matérielle que personnelle.»
> Ce qui le fait toujours rire: «La médiocrité dont les hommes sont parfois capables et qui amuse mon petit côté cynique.»
> Ce qui a le don de l’effrayer: «La maladie qui viendrait frapper mes proches.»
> Un regret: «J’aurais voulu être garde suisse pontifical… mais je n’ai pas accompli ce rêve après mes études. Et je n’ai donc pas appris l’italien, ce qui est un autre regret!»
> Une joie: «Le sourire de mes filles.»
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Bio express: Passer à ciel ouvert
> Naissance le 27 avril 1964.
> Enfance à Fribourg et à Givisiez avec ses parents Charles et Monique, sa sœur Isabelle et son frère Christophe.
> Vit à Fribourg, sa ville natale, avec son épouse Claude, avocate, et leurs deux filles, Emmanuelle (14 ans) et Claire (12).
> Est conseiller juridique au sein de la Direction de l’instruction publique, de la culture et du sport du canton de Fribourg.
> Préside l’Assemblée ecclésiastique catholique-romaine du canton de Fribourg, le Conseil paroissial de la paroisse du Christ-Roi de Fribourg et la Maîtrise de Fribourg.
> Œuvre dans d’autres associations et est chroniqueur dans «Paroisses vivantes».
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