Caucase » En une seule semaine, les Arméniens du Haut-Karabakh, enclavés depuis un siècle dans le sud-ouest de l’Azerbaïdjan, ont vécu coup sur coup les affres d’un sévère blocus, l’arrivée inespérée d’un convoi humanitaire de la Croix-Rouge, des bombardements aussi surprenants que meurtriers, l’annonce d’un cessez-le-feu et l’ouverture de pourparlers entre séparatistes arméniens et autorités azéries (lire en page 4). Mais comment cette région pittoresque de montagnes et de forêts en est-elle arrivée à devenir parmi les plus militarisées du monde? Et pourquoi est-elle devenue le théâtre sanglant de toutes les tensions entre voisins caucasiens? Pour tenter de répondre à ces questions, une plongée dans le passé s’impose.
1. Une province de l’antique Arménie
Le Haut-Karabakh, appelé Artsakh par les Arméniens dès l’Antiquité, correspondait à la dixième province du royaume d’Arménie, fondé en 190 av. J.-C. En 301, l’Arménie devient le premier Etat à se convertir au christianisme. L’Artsakh attire alors les missionnaires arméniens, comme en témoignent de très anciennes églises et monastères. La province montagneuse s’offre aussi comme refuge idéal pour la noblesse arménienne chrétienne, par exemple en 451, à la suite de la bataille d’Avarayr face aux Sassanides perses et à leurs éléphants de guerre. Considéré comme l’un des berceaux historiques des Arméniens − au point qu’ils voient aujourd’hui encore dans sa défense une «obligation morale», selon le professeur de philosophie Michel Marian1−, le Haut-Karabakh va se retrouver sans cesse tiraillé entre Orient et Occident, aux marges des empires perse, ottoman et russe. Il n’a pas subi directement le génocide de 1915, mais des massacres d’Arméniens y ont été commis en 1919 et 1920 par les Azéris.